J'aime beaucoup le cinéma de Michel Gondry. Tous ses films ont ce petit quelque chose d'unique qui les rendent si précieux, mais c'est vraiment Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) qui l'a placé sur un piédestal à mes yeux. C’est le parfait mixte de ce tout ce qu’il a fait auparavant, sans les excès de certains de ses films comme La Science des rêves (2006) ou L'Écume des jours (2013), avec ce côté "fait maison" et "foutraque" un peu trop appuyés qui les rendent parfois un peu hermétiques. Mais quand un réalisateur de ce calibre a ses gimmicks bien installés depuis des décennies, c’est difficile de se réinventer. Il n’empêche qu’il a toujours la main pour réaliser les films qu’il souhaite raconter en respectant sa patte et ses envies. C'est pourquoi Le Livre des solutions est une grande réussite, c'est du pur Michel Gondry, mais du Michel Gondry sans ses excés.
A cause d'un tournage qui s'éternise et d'un montage qui n'en finit pas, Marc (Pierre Niney) finit par se mettre à dos les pontes du studio, qui veulent le remplacer par Max (Vincent Elbaz). Il décide alors de s'enfuir dans les Cévennes, chez sa tante Denise (Françoise Lebrun), pour finir son film. Avec lui, il embarque une petite équipe qui le soutient et surtout qui le supporte, à commencer par sa monteuse Charlotte (Blanche Gardin) et son assistante Sylvia (Frankie Wallach), qui doivent faire preuves d'une patience à peine imaginable pour le suivre dans son chaos d'idées toujours plus folles. Mais voilà, Marc ne veut pas voir le moindre début du commencement de son film et préfère écrire son livre des solutions, qui répond à tous les problèmes, sauf celui de vouloir terminer son film.
Pierre Niney en Michel Gondry, quelle drôle d’idée ! Dans le Livre des solutions, l'acteur incarne l'alter ego du réalisateur de Eternal Sunshine of the Spotless Mind, mais aussi celui de L'Écume des jours. Si le premier est considéré encore aujourd'hui comme l'un des meilleurs films de sa génération, le second fut un naufrage complet et qui plus est, c'est à ce moment là, au sortir du tournage, qu'il découvre sa bipolarité. Ici, pour l'occasion, Pierre Niney interprète plutôt le second Michel Gondry, celui qui sort de son plus gros échec et qui doit se battre contre sa maladie mentale. Et si la filiation entre les deux hommes ne semblait pas évidente sur le papier, elle est évidente à l’écran.
Le Livre des solutions décrit un cinéaste en surchauffe permanente d'idées folles, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un certain Michel Gondry. C'est un film-portrait, puisque Michel Gondry s'inspire en partie de son propre vécu, à travers ce rôle "offert" à Pierre Niney. Si certaines scènes peuvent paraitre malaisantes pour ceux qui sont touchés de près ou de loin par la bipolarité, Michel Gondry explore la folie créative avec un humour borderline tout à fait délicieux et donc déculpabilisant pour le spectateur. C'est un bel exercice d'autodérision (et d'audace aussi) !
On sent chez Pierre Niney un réel plaisir à interpréter ce personnage, en y mettant une bonne dose d'autodérision et de folie narcissique, tentant par là à attribuer à l'autre tous ses méfaits. Marc/Pierre Niney est donc tel qu'on se l'imagine, vibrionnant, maniaque, fantasque et par conséquent impossible à gérer pour son entourage. Il s'agite dans tous les sens, avec un éloge appuyé du bricolage en guise de méthode de travail et du coq à l'âne pour ce qui est de l'imagination débridée. Ce côté foutraque et burlesque fait tout l'intérêt du film. De ce point de vu, Le Livre des solutions ressemble pas mal à Soyez sympas rembobinez (2008), avec un Pierre Niney tout aussi virevoltant que Jack Black.
Arriver à traiter de la maladie et en faire une comédie, sans tomber dans le malaisant ... c'est très fort ! Dans Le Livre des solutions, on assiste donc à la chute d'un réalisateur en dépression et pour autant, le film réussit à être très drôle ! Le pari du film c'est donc de rendre attachant un type absolument insupportable ... un pari risqué, mais amplement remporté par Michel Gondry et Pierre Niney (l'un ne va pas sans l'autre, quand on parle de ce film) ! Le Livre des solutions est son film le plus drôle et la performance de Pierre Niney n'y est pas pour rien. La scène où il dirige un orchestre avec son corps est à mourir de rire, tout comme la scène du montage de son film dans le camion (le "camionmontage") avec Blanche Gardin, ou sa rencontre à Londres avec Sting. Et puis mention spéciale à Françoise Lebrun qui joue la tante de Pierre Niney, elle est vraiment très touchante.
Concernant le plan final qui semble interroger bon nombre de spectateurs ...
Pour moi, Marc (ou plutôt Michel Gondry) souffre du syndrome de l’imposteur. Il refuse de voir le film qu’il est en train de réaliser et même lorsqu'il est projeté dans la salle de cinéma, il trouve encore un moyen de s'enfuir. C'est comme s’il ne croyait pas dans la qualité de son cinéma et qu’il ne prenait pas le retour globalement positif de ses œuvres comme une vraie reconnaissance de son génie.
Bref, Le Livre des solutions c'est une véritable bouffée d'air frais. C’est tout de même plaisant de voir autre chose qu’une œuvre dont on connaît déjà la fin et qu’on a déjà vu mille fois ! On est vraiment dans la veine des autres œuvres de Michel Gondry, des films tout à la fois créatifs, drôles et hyper touchants !