Pour son dixième long-métrage, Roman Polanski revient vers le fantastique et conclue ce qu'il nomme la Trilogie des Appartements Maudits en adaptant le roman "Le Locataire Chimérique" de Roland Topor où un jeune immigré polonais loue une chambre miteuse dans un immeuble banal de Paris. Plein d'entrain et désireux de s'intégrer du mieux possible, le dénommé Trelkovsky fait fi du suicide de la précédente locataire et des avertissements douteux du propriétaire et emménage sans tarder dans l'appartement, ravi de pouvoir dormir entre quatre murs.


Entre collègues de boulot franchouillards, jeune et mystérieuse jolie fille étrangement avenante et voisins peu aimables, Trelkovsky semble ne jamais vouloir déranger qui que soit, se pliant aux lois de ce nouveau pays, de ce nouvel immeuble, de ces nouveaux compatriotes. Le bar d'en bas n'a jamais les cigarettes qu'il fume et lui propose constamment un chocolat chaud, lui qui veut des Gauloises Bleues et un café. Une simple crémaillère et il est déjà considéré comme un semeur de trouble. Et puis l'appartement regorge de mystères que Trelkovsky a du mal à élucider.


Polanski s'octroie le rôle-titre avec brio, lui-même réfugié polonais, incarnant ce jeune homme tranquille qui sombre peu à peu dans la paranoïa la plus dangereuse et la plus destructive, un thème qu'avait déjà mis en scène le réalisateur dans le mémorable Rosemary's Baby. Ici moins étouffant, plus bizarre, plus humoristique aussi, le thème reste pour autant efficace, la mise en scène toujours aussi méticuleuse et novatrice de Polanski nous happant une fois encore pour ne pas nous lâcher, même lors de séquences inattendues et déroutantes.


D'une maîtrise époustouflante, frôlant la perfection en dépit de quelques longueurs, Le Locataire reste une oeuvre sensiblement majeure dans la filmographie de son auteur, décidément l'un des maîtres du fantastique européen, créateur d'ambiances et questionneur de première. Dommage en revanche que le film ait été tourné à la fois en anglais par certains acteurs et en français (redoublé par la suite) par d'autres ; on aurait préféré un tournage intégralement français pour cette histoire parisienne, ce qui aurait rajouté une crédibilité supplémentaire dans la diégèse du film.

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le 22 mai 2019

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