Sympa, ton appart'

J'ai bien peu de mots pour l'instant pour décrire l'expérience vécue. Peut-être juste préciser que ce film permet de ne pas trop galvauder le mot "chef-d'œuvre", peut-être qu'il se situe même bien au-delà de ce terme.
J'en ressors traversé d'émotions incontrôlables et désagréables, tiraillé par des questionnements intenses, des incompréhensions, cette frustration immense de ne pas pouvoir tout de suite tirer au clair l'œuvre mais à la fois la grande satisfaction d'avoir plongé pour la première fois dans l'obscurité du film. Je sens qu'il va me hanter jusqu'à la fin de mes jours, tout simplement. Je revois déjà ses images. Ces hommes et ces femmes raides et immobiles dans ces toilettes, en face. Cette momie qui défait ses bandages en riant. Cette dent trouvée dans le mur. Ce couteau qui surgit d'on ne sait où. Cette verrière brisée qui le sera pour toujours...
Ironique, oppressant, absurde, malade, c'est un film compliqué. On peut y voir une plongée dans le cerveau d'un dingue comme d'une fable effleurant la discrimination ambiante envers les immigrés. Mais il reste, dans chaque interprétation possible, ces images, glaçantes, toujours ces images, cette tension, cette ambiguïté sexuelle présente à chaque geste et chaque plan, cette spirale infernale poussant Trelkovsky vers l'irréparable, cette graduation dans l'horreur, tel un crescendo musical, au fur et à mesure que notre esprit s'immerge et se perd dans l'esprit de l'autre. Dans ce voyage au bout des troubles, des noirceurs, des bizarreries qui fondent un être humain - voyage qui pourrait nous emmener n'importe où - tout semble possible, nous assurant l'idée que chaque étrangeté trouverait sa cohérence : de là vient l'effroi.