2009 :
Comme la plupart des mélodrames, le Lutteur et le clown s'étend sur de nombreuses années de la vie de ses héros (ici, deux héros, et c'est déjà assez peu courant), le temps pour eux d'attendre la réalisation de leurs ambitions, de passer par les hauts et les bas d'un vie, entre Odessa, Paris et la campagne russe.
L'intrigue passe donc d'un héros à l'autre, alternant les humeurs et faisant jouer les contrastes à plein, les contrastes émotionnels parfois dans la profondeur d'un même plan, le trauma de la mort avec l'ivresse du succès, nous laissant libres d'être émus par l'un ou l'autre ou par leur collision. Contraste aussi de la ville et de la campagne, thème cher aux russes, souvent idéalisé et magnifié. Un visage de femme ici suffit à dire toute la beauté et la douceur de cette campagne oubliée un instant dans la lutte (celle sans pitié ni règle) entre artistes et autres forains pour cinq minutes de gloire.
Le cirque est l'endroit où tous les sentiments, positifs ou non, sont menés à leur acmé avant de se transformer. L'endroit où la plume caresse les lourdes haltères qui, elles-mêmes, se font tendresse pour cette fragilité temporaire.
L'art de créer des personnages vivants en quelques traits est étonnant (comme d'habitude chez Barnet) et l'amour entre Marusia et Ivan n'a besoin que de deux séquences pour atteindre une émotion qui colore tout le film jusqu'à sa conclusion, lui donne cette note colorée magnifique, riche comme le chant du rossignol au crépuscule. Cette tendresse qui réchauffe tout ce qu'elle touche, même la corruption et la cruauté, et qui révèle son origine dès qu'elle rencontre, au détour de l'intrigue, un enfant, un ami ou un vieux passant sourd.