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Heartbreak Ridge est bien justement nommé, tant il marche sur une corde raide dans mon cœur. Il joue un numéro d’équilibriste tendu entre ce que je n’aime pas de la carrière d’Eastwood, l’aspect conservateur réac’ d’un Dirty Harry, et la décontraction naturelle que j’affectionne sur tout un pan de son cinéma. Et si la forme est irréprochable, c’est bien sur le fond que tout cela me chagrine un peu.
Tom Highway, c’est l’archétype de la grosse brute au grand cœur. Le machistador suprême au pays des bidasses beaufs, vulgaires, violentes, racistes, sexistes et homophobes. Celui qui tape plus fort que ses congénères, insulte mieux que ses pairs, et gagne tous ses combats grâce à sa désinvolture. Un artéfact des guerres de 39-45 et de Corée qui tente de ramener les vraies valeurs véritables de la vérité du combat aux bleusailles désordonnées des 80s, tout en partant en parallèle à la reconquête de son ex-femme Aggie par la force de l’insistance. Ces troufions qu’il va former, aussi peu recommandables soient-ils, possèdent une unique qualité : leur patriotisme. Ce sont ainsi des Américains parfaits, des machines à flinguer, sans jugeote, malléables à souhait, qui obéissent au doigt à l'œil dans une extase enchanteresse pour l’état major. Autant dire que comme portée de message, ça laisse un peu à désirer, d’autant plus lorsque le schéma de boot camp redoutable menant à une action efficace sur le terrain en profite pour éluder tout semblant de contexte quant à l’invasion américaine de Grenade., se contentant d’aligner une virile victoire des Marines.
Il y a bien quelques menus éléments qui viennent légèrement nuancer cette approche très bas du front. On y voit ainsi l’esprit de corps dépeint comme une échappatoire pour ces quelques inadaptés à la société et autres financièrement démuni. Un havre qui permet de trouver un sens, quitte à devenir le doigt sur la gâchette du gouvernement. De même que si la relation de Tom avec son ex laisse initialement présager du pire, son passé est suffisamment occulté pour laisser pleine place à la hantise du quotidien de Aggie de ne pas savoir, de vivre dans la crainte permanente de la perte de son homme, permettant ainsi de rendre crédible le ravivement de cette flamme passée. Mais cela reste bien maigre face au premier degré rétrograde de l’ensemble thématique.
Heureusement, et outre l’atypisme de voir un film de guerre situé dans les années 80, ce sont les innombrables punchlines qui viennent sauver le film de la série B à la morale mal placée tout bonnement indigeste. Tel le tac-tac distinctif de la AK-47, les expressions fleuries s’enchaînent sans répit dans une déferlante jubilatoire du concours de celui qui a la plus grosse. C’est puéril et vain dans la finalité, mais sacrément bien écrit. Le flegme de Eastwood prend alors tout son charme, et vient partiellement effacer le douteux de l’ensemble.
Partiellement uniquement, car les personnages et le récit restent ultimement figés, sans une once d’évolution dans un sens ou dans l’autre. Tom reste un gros con, et ses apprentis ne se retrouvent que ragaillardis par ses méthodes. Une sorte de préquel à Gran Torino qui aurait oublié d’intégrer un arc rédempteur.
Un Eastwood très mineur.