L'immense acteur Jean-Louis Trintignant a aussi réalisé deux films. Une journée bien remplie en 1972, avec sa superbe musique signée Bruno Nicolai, que j'ai à la maison mais que je n'ai toujours pas vu, et ce second film, en 1979. Un peu à la manière d'un Piccoli cinéaste, et même si les deux univers ne sont pas du tout les mêmes, le cinéma de Trintignant semble se distinguer par sa profonde originalité, un désir de briser les codes classiques, et sans doute d'aller en temps que metteur vers quelque chose qu'on ne lui propose pas ou qu'il ne se permet pas en tant qu'acteur. Le film, se déroulant dans le nord de la France, raconte l'histoire d'une femme italienne issue de l'immigration (sublime Stefania Sandrelli), qui tombe amoureuse d'un chanteur de bal sans le sou, et qui ne connait qu'une chanson. Ils vont s'aimer follement, dans la pauvreté, dans un logement qui jouxte les égouts, et l'homme, joué par Guy Marchand, enchaine les petits boulots jusqu'à trouver le bon. Il est engagé comme maitre-nageur privé d'un richissime industriel toujours en fauteuil-roulant, drivé par son majordome (Brialy, au top). L'homme n'a rien à faire, mais change radicalement de train de vie. Le film est clairement construit en trois parties distinctes. La première, racontant la rencontre du couple, est clairement inspirée par le cinéma italien du début 70's, celui qui filme la pauvreté, les gueules abimées, les marginaux, le monde ouvrier. On pense beaucoup à Wertmüller, Scola, Petri, Ferreri même. La seconde est celle de la villa, elle est baroque, très drôle, quasi surréaliste. La troisième partie est la plus surprenante. Tombé malade l'homme riche décide d'origaniser un marathon dans sa piscine, celui qui nagera le plus longtemps, remportera toute sa fortune, et sa maison. Marcel (Guy Marchand) y participe et après une longue séquence de nage, on peut même dire qu'elle est interminable, un drôle de croisement entre On achève bien les chevaux et Palombella Rossa, il gagne, mais il finit par se noyer... et mourir. C'est sa femme, qui s'était rapprochée du milliardaire sur son lit de mort, qui héritera de tout ça. Cut. On la retrouve sur un fauteuil roulant, vieille, poussée par son petit fils (on ignorait qu'elle était enceinte et on se sait rien de son enfant) qui la balance avec le fauteuil dans la fameuse piscine. Elle s'y noie et c'est le gamin qui hérite de tout ça. Voilà. C'est tout sauf un film parfait, mais c'est une vraie curiosité, originale et iconoclaste, qui mérite vraiment d'être vue.