Aube d’orée
Revigorante rupture que celle opérée par Ryusuke Hamaguchi : après des films volontiers verbeux et littéraires, explorant les complexes oscillations des rapports humains et amoureux, Le Mal n’existe...
le 14 avr. 2024
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J'avais découvert Ryusuke Hamaguchi à travers "Contes du hasard et autres fantaisies", une succession de 3 courts-métrages qui m'avaient conquis.
La véritable force de ce réalisateur se trouve dans les dialogues, incroyablement captivants dans leur simplicité. Ce sont simplement des personnages qui parlent pendant 2 heures, mais on peut ressentir une profonde mélancolie, de la gêne, de l'amusement sincère voire de la pure tristesse. Ce film n'avait pas besoin d'artifices, pas besoin de retournements de situation ou d'action ; la puissance des phrases suffisait.
J'avais donc hâte de voir son dernier film "Le mal n'existe pas". On suit ici le quotidien de Takumi, un homme à tout faire robuste, bourru et sage, ainsi que de son entourage qui habitent un petit village reculé du Japon. Une société de mode a décidé de construire un camping de luxe dans les environs, ce qui ne plaît pas vraiment aux habitants.
Un résumé très court qui évite le spoil, mais qui représente tout de même au moins 80% du film. Vous comprendrez donc qu'on est sur une ambiance très contemplative. Surtout la première demi-heure qui se compose presque essentiellement du quotidien de Takumi.
Je ne suis pas personnellement dérangé par ce style, mais je ne peux que comprendre le spectateur impatient qui n'a juste pas envie de voir un homme couper du bois pendant 10 minutes ou porter des bidons d'eau jusqu'à sa voiture.
Après cette longue introduction, on assiste à la première séance d'information des représentants de la société qui expliquent leur projet aux habitants. C'est là que le film a enfin réussi à m'accrocher. Des paysans qui, très calmement (pour la plupart), démontent un à un plusieurs points du projet de camping avec des arguments clairs et évidents devant des commerciaux dépités qui n'ont ni les responsabilités ni l'expertise nécessaires pour fournir des réponses appropriées.
C'est une méthode de contestation que j'aime beaucoup : pas de violence et une attitude ouverte et calme mais forte et juste.
Les représentants, eux, contrairement au jugement initial que l'on pourrait avoir, ont une réelle personnalité. Un simple trajet en voiture nous permet vraiment de développer de l'empathie pour eux. Ils ont du respect (voire de l'envie) pour le village mais sont écrasés par les directives de leurs supérieurs, distants et amoraux. Ils sont simplement entre le marteau et l'enclume. J'ai retrouvé ce que j'étais venu chercher : l'efficacité des dialogues d'Hamaguchi.
Et puis arrivent ces 20 dernières minutes, qui font chavirer l'histoire complètement ailleurs jusqu'à cette fin… surprenante. Disons que j'aurais voulu continuer sur la lancée que le film avait mis du temps à installer, mais qu'il se passe quelque chose de complètement incompréhensible. Je pense ne pas être le bon public pour ce genre de conclusion atypique qui laisse plus de questions que de réponses mais vu les quelques retours que j'ai pu lire, beaucoup d'autres ont été aussi frustrés que moi.
Le talent est là, c'est beau, c'est prenant (si on n'est pas embêté par la lenteur du début), mais mon problème, c'est le scénario. Je considère néanmoins que le film est bon, il dégage quelque chose, mais personnellement je me suis senti pris par lui puis rejeté aussitôt.
L'unique musique, quant à elle, est vraiment sublime et vient parfaitement souligner ces moments paisibles dans la forêt, mais elle s'arrête malheureusement presque toujours de façon très brusque. En fait, ceci est finalement une parfaite image du ressenti du film entier : un moment réellement agréable avec une fin très insatisfaisante.
Créée
le 20 avr. 2024
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