Une sorte (sur le fond) de mini Brazil de Terry Gilliam avant l'heure.
Loué quasi au hasard sur ma VoD Orange car j'étais surpris de le croiser: je suis ra-vi.
Drôle au début, il devient émouvant et plutôt triste.
Un homme reçoit un avis de mandat dont la somme d'argent est à récupérer à La Poste.
En attendant, sa famille commence à dépenser à crédit, comme dans 'Le gros lot' de Preston Sturges.
Dans 'Le Manteau' d'un Grigori Kozintsev en 1926, un fonctionnaire obsède sur un ...manteau: il fait des pieds et des mains pour l'obtenir enfin mais, comme Tom Hanks dans les rues neigeuses de Berlin Est au sein de l'excellent Pont des Espions, il se le fera vite voler.
Ici, c'est un mandat, envoyé de Paris par un neveu, qui obsède "Ibrahim Dieng" joué par un aimant à caméra que semble ce Makhouredia Gueye, que je ne connaissais pas: son personnage est tour à tour agaçant de machisme vieux jeu puis attendrissant face aux avanies et avaries (servi par deux femmes soumises, deux belles poires, il est d'une mauvaise foi et d'un culot, banal pour l'époque,
mais il devient touchant dans le labyrinthe que ce bon gros gras rat devra parcourir pour obtenir son fromage, un mandat...même pas tout à lui d'ailleurs.
Il passe par une série de négociations, d'emprunts, de commissions, d'abus, de mensonges, d'escrocs, de rencontre de gentils mais inutiles, de méchants mais utiles etc.
En choisissant la facilité, je dirais que ce Makhouredia Gueye me fait penser à un mélange de Raimu, Harry Baur, Galabru etc.
Tous les personnages s'adressent à lui comme s'il est "vieux", et certains l'aident car presque un vieillard pour eux: mais il m'a paru hyper jeune; quand je revois le film, à la première scène chez le barbier, je ne vois pas de barbichette plus blanche que les cheveux de Gandalf...
Cette ville du Sénégal devient le Château de Kafka.
Les individus successifs qu'il rencontre m'ont rappelé aussi ceux que croise la petite souris d'un film Hongrois, 'La dernière frontière' d'un Peter Gothar.
Je ne le retrouve pas mais il m'a aussi rappelé un film chinois ou asiatique où une pauvre femme est bringuebalée d'un fonctionnaire à un autre dans un long pénible périple administratif.
ps:
ps 1) je vois que j'avais croisé l'existence de ce film il y a deux ans car j'apprenais alors que c'était la première critique publiée d'un réalisateur/scénariste que j'aimais bien, Pascal Bonitzer,
et je l'indiquais en statut;
Il l'a publiée dans les Cahiers: "tapée par maman" racontait-il dans l'émission https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/pascal-bonitzer-les-cahiers-ont-revolutionne-la-maniere-de-voir-le-cinema
ps 2) une partie de mon texte a disparu mais c'est pas grave; je me demandais juste quel est le sens du dernier montage où , dans la détresse, il revoit alors tous les moments où il a été généreux et fait preuve de charité: est-ce à dire qu'il regrette avoir été aidant avec d'autres? est-ce un avis du réalisateur?
ps 3) en autre détail, je n'ai pas compris ce qu'il fait après avoir mangé au pied de son lit, quand il se met à quatre pattes, et rampe vers un bol au sol, qui semble rempli de chocolat ou terre, et il trempe ses doigts dedans, ça semble dure? Est ce de la terre de sa région de naissance? Est ce de la terre de la Terre Sainte?
ps 4) en autre détail, je l'ai revu et n'avais pas remarqué ma première fois qu'au début, il sort frais et heureux de chez le coiffeur et marchant, debout, il croise trois femmes qu'il recroisera à la fin, alors qu'il est très triste et avachi au sol...elles se serviront alors de ce qu'il porte...les épouses interrompant ce vol, qu'elles justifient en disant qu'elles le croyaient mort!
Ousmane Sembène me dit il que ce serait ici une coutume de dépouiller de leurs emplettes les morts dans la rue ?
ps 5) Boubakar de SC me donne envie de tenter un autre film du Sénégal au titre étonnant: https://www.senscritique.com/film/touki_bouki/448249