C'est probablement lié à la thématique explorée par Fassbinder ici, mais c'est une des rares fois où je vois des passerelles entre sa participation au renouveau du cinéma allemand des années 70 et l'œuvre de l'autre Werner : Herzog. Bon, ce n'est pas forcément une bonne nouvelle, au sens où lorsque les deux cinéastes convergent dans mon imaginaire cinéphile, c'est souvent à l'occasion de films pas des plus réussis, ou du moins des films qui évoluent dans des domaines qui me sont au mieux étrangers, au pire désagréables. Je note quand même que ce "Le Marchand des quatre saisons", sorti en 1972, soit un an après "Prenez garde à la sainte putain", m'est beaucoup plus appréciable, moins crispé dans son style d'auteur fauché et donc moins crispant. Pourtant les moyens financiers n'ont pas l'air fantastiques ici, mais d'une part la réalisation évite les clichés auteurisant désagréables, et d'autre part cette rudesse dans le tournage va un peu dans le sens du propos.
Pour le détail, j'ai bien aimé retrouver Hanna Schygulla (ici dans le rôle de la sœur du protagoniste Hans Epp), une habituée de Fassbinder — Maria Braun, Lili Marleen, etc.
Il y a quand même souvent ce sentiment chez Fassbinder que pas mal de film sont ratés, pour des raisons qui me sont obscures, alors que tous les ingrédients étaient réunis pour laisser émerger quelque chose de très percutant. Comme si la matérialisation des intentions se trouvait entravée lors de l'assemblage des différents éléments, entre tournage et montage — ce sont les principaux soucis, car au-delà l'écriture des personnages est claire et les enjeux sont là. Très frustrant comme situation.
Bon ici, cela étant dit, le scénario n'est pas limpide (sans que ce soit dérangeant), car plusieurs flashbacks viennent raconter le passé / passif de Hans : ses déboires en tant que gendarmes et ce qui lui valut d'être licencié, ses malheurs à la légion où des camarades l'ont volontairement laissé se faire torturer, etc. C'est en ce sens l'histoire d'un éternel rejeté, un homme malmené par sa famille, pas sa femme, par ses collègues. Fassbinder dresse une relation de cause à effet très nette avec sa condition d'alcoolique et de miséreux (sentimentalement), et les soucis de santé qui suivent. Il traîne le poids de son existence comme son énorme charrette à fruits. Un univers asphyxiant, baignant dans l'hypocrisie de toute sa classe, conduisant presque nécessairement à son autodestruction, conséquence d'une vie de déchéance et de honte.