Englober toute la production de Jackie Chan derrière quelques qualificatifs serait bien difficile, mais si je ne pouvais en retenir que deux, ce seraient l'action et l'humour. Deux éléments importants de son œuvre et de sa personnalité, et qu'on retrouve dans Le marin des mers de Chine. Le film est alors le quatrième projet dont il prend en charge la plupart de ses composants, tels que le scénario, la réalisation ou le rôle principal. Entouré de son équipe et de ses amis, il veut faire de ce film un de ses meilleurs, avec des cascades inventives et de l'humour, le tout dans un cadre dépaysant.
Le film se passe à Hong-Kong, au début du XXième siècle, même si le cadre historique est peu exploité. La mer est infestée de pirates dont Lo et son équipage. L'autorité locale ne semble pas vouloir réagir. La Marine est même mal vue. Le sergent Dragon Ma va donc prendre le problème en main, quitte à distribuer quelques coups de poings.
S'il ne manque pas d'humour et des facéties habituelles de Jackie Chan, le film impressionne surtout par la qualité de ses scènes d'action. Fluides et inventives, elles témoignent de la qualité de la production hong-kongaise de l'époque, où chaque décor est un terrain de jeu. Il faut voir le maestria de la course poursuite en bicyclettes, ou ces cascades dans les rouages de l'horlogerie d'un cloche. Jackie Chan occupe tout l’espace, utilisant tous les recoins, toutes les possibilités pour ne jamais lasser le spectateur. Le film est un pur spectacle, finement calibré, l'histoire étant assez accessoire.
Mais si le film en donne plein les mirettes, il témoigne aussi d'une époque où les accidents de travail étaient nombreux. Jackie Chan n'a jamais caché toutes les blessures qu'il a subi, tous les os cassés, les organes abîmés. Il a abîmé son corps pour notre divertissement. Dans ce film, il chute d'une tour, haute de plusieurs mètres. L'impact est brutal, il se blessera au cou. La séquence sera filmée trois fois, toutes ces prises sont glaçantes : Jackie Chan aurait pu mourir. Mais il continuera.
Le film a alors risqué la sortie de route. En dépassant la prise de vue de la belle cascade, élégante et audacieuse, pour une attraction dangereuse, pour les voyeurs qui se complaisent dans la vue de l'accident et du drame. Le spectateur ne manque rien de cette cascade dangereuse, les prises mal assurées sont dévoilées à la fin du film. Jackie Chan est un professionnel, un cascadeur, et c'est lui qui s'est chargé de cette scène, pas une doublure. Il sait ce qu'il fait, et il a continué ainsi jusqu'à maintenant. Mais il a failli aller trop loin.
Et le pire dans tout ça, c'est que j'ai l'impression toute personnelle que ça ne l'aurait pas dérangé de mourir pour le spectateur, dans un dévouement morbide. D'où cette question pour conclure : méritons nous vraiment Jackie Chan ?