1841, Californie. Cela fait 20 ans que Zorro, plus connu sous son identité publique de Don Diego de la Vega (Anthony Hopkins), justicier masqué qui défendait la population contre l’oppression espagnole, a disparu dans les geôles du gouverneur Montero (Stuart Wilson), qui a tué sa femme et volé sa fille. Mais voilà qu’au bout de ces 20 ans, Zorro s’échappe et décide de revenir sur le devant de la scène. Seulement, il a vieilli, et décide de transmettre son identité secrète à un jeune bandit impulsif, Alejandro Murrieta (Antonio Banderas). Mais pour en faire un Zorro accompli, le chemin va être long…


Parmi les artistes qui laisseront leur trace dans l’histoire du cinéma, il y en a dont on retient moins les noms. Indéniablement, Ted Elliott et Terry Rossio, scénaristes de génie, sont de ceux-là. Si leur carrière commença doucement par un Little Monsters que tout le monde a oublié, ce sont les studios Disney qui feront connaître leur œuvre avec l’excellent dessin animé Aladdin, qui révélait d’ores et déjà une maîtrise totale de l’écriture des personnages et de l’action épique, permise par la magie de l’animation. Mais le passage de l’animation à l’image réelle va achever de mettre au jour le talent incroyable de cet incontournable duo de scénaristes.
Dans Le Masque de Zorro, on retrouve en effet tous les ingrédients du génie Elliott-Rossio, à commencer par le refus absolu de toute gratuité. Ainsi, tout, dans les actes et les motivations des personnages, est rendu crédible par une écriture extrêmement rigoureuse qui s’appuie sur des caractères minutieusement construits. Cette rigueur passe avant tout par une logique familiale merveilleusement exploitée ici, sans jamais basculer dans le pathos, que l’on retrouvera tout au long de leur carrière : qu’il s’agisse du frère perdu (anticipation de leur chef-d’œuvre Lone Ranger), d’un père étouffant (et en outre faux, ici) et d’une mère absente (on en retrouvera un écho dans les Benjamin Gates), d’une jeune femme fougueuse cherchant à s’émanciper de la tutelle paternelle et dont la main est moins facile à conquérir que le cœur (future Elizabeth Swann de Pirates des Caraïbes), méchant solitaire et psychopathe qui cherche à briser l’harmonie familiale qu’il n’a jamais su se construire… Tout est déjà en germe dans Le Masque de Zorro, aux personnages tous plus attachants et intéressants les uns que les autres, et où le cliché du film d’aventures est certes présent, mais plus sous forme de clin d’œil amusé que de redite sans inventivité.
Car d’inventivité, Le Masque de Zorro n’est pas dénué, bien au contraire : ce qui impressionne le plus ici, anticipant là encore les futurs films d’Elliott et Rossio, c’est la maîtrise totale de l’espace qui caractérise des scènes d’action époustouflantes, parfaitement chorégraphiées. Aucun détail du décor n’est laissé de côté, aucun geste des acteurs n’est superflu, tout a son utilité pour bâtir un film d’aventures virevoltant, où l’action est toujours soulignée par un zeste d’humour bienvenu mais pas envahissant, et magnifiée par une photographie inspirée (ici, signée Phil Meheux).


S’insérant dans un cadre somptueux, aux décors amples, au rythme des envolées lyriques d’une des meilleures partitions de James Horner, les aventures de Zorro retrouvent ici un second souffle, après la très sympathique version Disney qui a bercé notre enfance à tous, cette fois en nous offrant un blockbuster d’aventures d’une générosité totale, parfaitement digne de la filmographie d’un Spielberg dans la lignée duquel il se situe, puisque le grand réalisateur est ici producteur.
N’hésitant pas pour autant à distiller dans leur récit quelques très légères touches de macabre qui donnent au film une poésie plus profonde, Ted Elliott et Terry Rossio nous offrent le parfait exemple de ce que doit être le film d’aventures parfait : porté par des acteurs exceptionnels (Anthony Hopkins au somment, bien évidemment), rythmé par un sens du suspense hallucinant et une ampleur enthousiasmante à souhait, Le Masque de Zorro faisait entrer de plain-pied dans le XXIe siècle deux des plus grands scénaristes de l’histoire du cinéma. Et comme la grande majorité de leur film, celui de Martin Campbell ne fait que confirmer ce que l’on dit toujours à propos des grands crus : les meilleurs sont ceux qui se bonifient avec l’âge. Très clairement, Le Masque de Zorro est de ceux-là.

Tonto
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le 7 oct. 2018

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Tonto

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