Dans un nuage de poussière
Dans le monument valley des films de John Ford, c'est dans un immense nuage de poussière que les hommes vivent, pleurent, se battent et meurent. Ces perpétuelles particules en suspensions rendent les fatigues plus sèches, les blessures plus fatales. Les trahisons sont plus diaphanes et les alliances moins précises. En fait, seul ce qui relie les hommes, l'amour, les liens familiaux, la camaraderie, résiste à cette terre sèche qui colle aux selles et aux bottes.
Car si toutes les passions Fordiennes sont encore présentes dans ce massacre du fort Apache, on aurait bien tort de croire que le bougre aime la violence. Ici comme dans plus des trois quarts de sa production, s'il filme avec génie des cowboys, des militaires et des indiens, et illustre sa version de la tragédie du général Custer (appelé Thursday et déguisé sous les traits d'un Henry Fonda splendide), ce n'est pas pour mettre en valeur le conflit et le combat.
Au contraire, et comme le souligne très justement Serge Bromberg dans son introduction au film, dans tout le cinéma de John Ford "les guerres sont toujours fatales à ceux qui les provoquent".
Et quand retombent les effluves de l’agitation belliciste des hommes (les nuages de poussière, donc), Ford reste visuellement prodigieux : en témoigne cette scène presque finale ou Cochise vient planter le drapeau de l’armée US aux pieds du capitaine York qui a rendu les armes, aussi convaincus l’un et l’autre que le combat était aussi vain qu’évitable, dans un plan fixe évanescent et saisissant.