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On remerciera dans un premier temps la traduction française du titre de révéler la conclusion du film avant même que celui-ci ne démarre, puis on se plongera dans ce grand western qui amorce la trilogie de la cavalerie de John Ford sous les meilleurs auspices.
Déjà en 1948, le cinéaste critique ouvertement la brutalité de la colonisation du grand ouest américain, une civilisation qui ne place l’honneur au devant que lorsque cela sert ses intérêts. Il en profite également pour mettre un tacle au cloisonnement social qui voudrait qu’un roturier et un noble ne puisse s’amalgamer, quand bien même l’un aurait fait ses preuves sur le champ de bataille et l’autre n’aurait suivi qu’un parcours académique. En cela, le rôle du fraîchement débarqué lieutenant colonel Thursday (Henry Fonda, magistral) est crucial. Il se place en point central du film, comme un leader charismatique, sévère mais juste, mais sclérosé par des principes qui ne peuvent fonctionner dans une expansion qui se heurte à des changements de mœurs et une mixité culturelle qu’il ne saurait entrevoir comme autre chose que de la sauvagerie. En contrepoint se place un John Wayne, tout aussi imposant, comme le pragmatisme d’une société qui se doit d’évoluer pour être possible, à l’exact opposé du personnage haineux qu’il campera par la suite dans The Searchers.
Fort Apache est également la première incursion de Ford dans des décors naturels, et pas n’importe lesquels puisqu’il pose sa caméra devant les horizons escarpés par des mégalithes de la Monument Valley, les imposant en un film dans l’imaginaire collectif du monde occidental comme le décor de western par excellence. Un tournage loin du tumulte d’Hollywood qui lui permettait d’isoler ses équipes des producteurs, des agents, et donc de toute distraction, pour mieux les concentrer sur ce chef d'œuvre en devenir.
Le manichéisme n’existe pas, la dramaturgie bât son plein tandis que la charge du dernier tiers s’engouffre dans l'abîme de la plus belle des façons, les nuages sépulcraux inondant le champs de vision du spectateur tandis que la caméra revient à ras-de-terre pour mieux capter cette ultime cavalcade. Une maestria qu’il me tarde de continuer à découvrir dans le reste du corpus de Ford, qui après deux films que je vois, me fait me demander si j’avais déjà vu un western auparavant.
Bonus:
15 minutes sur la relation entre Ford et la Monument Valley, notamment sur le lien qu’il a pu tisser avec les tribus Navajo qui y vivaient et dont il a gagné le respect (tant il a dynamisé la région en venant y tourner fréquemment) jusqu’à gagner le titre de Natani Nez (Big Boss) et à laisser son nom sur un panorama : le Ford Point. Un document enrichissant sur la vie de ce cinéaste modèle de toute une génération de réalisateurs à venir.