1er volet de la trilogie de la cavalerie, Le massacre de Fort Apache déplace les thématiques du western dans le cadre militaire. Aux cowboys et leur sens individuel de la justice ou de la propriété s’oppose ici un milieu rigoureux, hiérarchisé et collectif.
Comme toujours chez Ford, c’est la pluralité des rôles qui dessine le mieux la communauté humaine et ses divergences.
Point nodal dans la filmographie du géant, la rencontre entre Fonda et Wayne est aussi un passage de relais : dernier film du premier, second du deuxième qui prendra le relai en tant que comédien fétiche. Tout oppose les protagonistes : rigidité, autoritarisme et haute conscience de sa classe pour Fonda/Thursday ; souplesse, bon sens, empathie pour l’homme de terrain qu’est Wayne, Capitaine York amené à conduire les prochains opus de la trilogie.
Autour d’eux, la comédie humaine se déploie : les femmes, autant de piétas caractéristiques de l’univers fordien, et auxquelles le cinéaste donne toujours une importance fondamentale. La jeune effrontée d’amour, équilibre à la rigueur excessive de son père, et les mères tempérant la violence en sommeil jusqu’à l’éclat final. La caserne elle-même, entre entrainements et vie collective, favorise ces séquences de bouffonnerie humoristique qui viennent compléter un tableau exhaustif, notamment lorsqu’on tente de monter sans selle.
Structuré avec rigueur, le récit s’articule autour de deux bals : le premier, spontané et conduit par Wayne, voit surgir Fonda qu’on n’attendait pas, et qui va remettre au pas la caserne : en découle le second, réglé au cordeau, où hommes, femmes et classes occupent avec discipline les places qu’on leur octroie.
La raideur de Thursday se déploie sur plusieurs niveaux : illustrant une haute conception de la rigueur militaire, il tend aussi à dynamiter l’amour naissant de la nouvelle génération, refusant le mélange de classe. Mais, surtout, il accumule les erreurs dans le prélude au titre, à savoir le combat contre l’ennemi. Autoritariste, fondamentaliste de la sacralité d’un ordre donné par la hiérarchie, Thursday est un aveugle qui présume trop de sa grandeur et sa stratégie.
Avec l’habileté qui le caractérise, Ford circonscrit ses mauvais choix sans jamais verser dans le manichéisme : c’est un homme qui se veut héroïque et patriote, et qui mourra avec bravoure en rejoignant les siens qui entendront ses excuses.
Le combat final, longuement préparé, est un feu d’artifice : poursuite en travelling des chevaux, contre plongée sur les soldats, vue à terre éclaboussée par les sabots au galop, tout est chorégraphié à la perfection. La poussière, omniprésente, cache autant qu’elle dévoile par trouées au gré du vent l’étendue de la défaite.
Le massacre qui achève le film n’aura pas été vain : il permet paradoxalement l’union des plus jeunes, et la fondation de la famille qui clôt presque tous les films de Ford, à la manière des comédies de Molière. Ce classicisme se retrouve aussi dans la tirade de York, écho à celle de Ma Joad sur une autre classe, celle de la cavalerie : on y défend le dévouement des soldats, et, comme pour annoncer la mythique conclusion de Liberty Valance, on y grave la légende d’un Thursday qui échappe ainsi à ses erreurs humaines pour devenir une statue immortelle.
Mais ce qui reste, et tout spectateur de Ford en atteste, c’est bien cette humanité complexe, faillible, et profondément émouvante.
(8.5/10)

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Sergent_Pepper
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le 2 sept. 2014

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Sergent_Pepper

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