Le réalisateur espagnol Jorge Grau n'aura réalisé qu'une poignée de films dont Le massacre des Morts Vivants sorti en 1974 qui reste le plus emblématique de sa courte carrière. Cette production Italo-espagnole tourné en Angleterre et primé à Stiges est une sorte de chaînon manquant entre les zombies de Romero et ceux du cinéma bis italiens qui envahiront les écrans dans les années 80. Une série B parfois bancal mais joliment emballé par un artisan visiblement très concerné par la qualité de sa mise en images.
Le Massacre des morts Vivants se déroule donc dans la verte campagne anglaise dans laquelle des scientifiques expérimentent une machine qui envoie des radiations afin que les insectes devenus fous s’entre-tuent et désertent ainsi les exploitations agricoles. Le problème c'est que la machine semble aussi avoir le même effet sur les morts récents en les réveillant avec un appétit cannibale. Un jeune homme arrivé un peu par hasard dans le coin va devoir convaincre la police incrédule que le cauchemar a bien commencé , surtout qu'il se retrouve bien vite suspecté des premiers meurtres commis par les morts vivants...
Malgré son statut de petite série B horrifique le film de Jorge Grau propose une scénario solide dans lequel cohabite le spectre très contemporain de désastres écologiques liés à des processus scientifique déréglant la nature pour les besoin de l'exploitation agricole et le traumatisme post Manson propageant la crainte irrationnelle d'une jeunesse chevelue et libertaire. Le film n'est pas toujours d'une grande subtilité mais il a le mérite de s'ancrer dans les préoccupations de son époque tout en anticipant celles de demain. Même si il reste un poil caricaturale, le traitement du jeune héros chevelu par le vieux flic borné ultra réac qui le traite de sataniste, coco, drogué aux allures de pédé est assez jubilatoire et révélateur des mutations sociales des seventies. Quant à l'explication de la soudaine résurrection des morts elle n'est finalement pas plus bancal que les radiations, les météorites et autres tentatives à venir expliquer l’inexplicable.
Toute série B qu'elle soit Le Massacre des Morts Vivants est un film plutôt soigné dans sa mise en scène et dans la qualité de sa photographie jouant à merveille d'ambiance brumeuses et nocturnes ou de la froide blancheur d'un hôpital. Le film de Jorge Grau se suit avec un vrai plaisir en allant crescendo dans le suspens et l'horreur dans une mécanique certes convenu mais imparable. Les morts vivants restent dans la lignée des créatures lentes et implacables des films de Romero même si elles sont ici capables d'utiliser des objets comme une croix de cimetière en guise de bélier pour tenter de défoncer une porte (Une idée qui sera reprise par Andrea Bianchi dans Le Manoir de la Terreur en 1980). Avec moins de dix zombies à l'écran on reste loin d'une grande invasion mais les morts vivants se montrent bien voraces et inquiétants assurant au film son quota de séquences gores et anthropophages.
Le Massacre des Morts Vivants reste l'un des tout premiers et rare films de morts vivants espagnol , à la fois référent à Romero et précurseur de Fulci cette série B mérite bien une place de choix dans la grande petite histoire du cinéma horrifique.