Les mots empruntés à André Bazin, aux premières secondes, font autorité. L'auteur qui nous parle crée immédiatement la toute-puissance : un monde au-delà du film, distendu dans le temps comme dans l'espace.
Si l'on dit que les âmes nouvelles de Godard tendent à en faire le cinéaste du rien, j'ai, pour ma part, goutté comme rarement à l'autorité et à la puissance des êtres. C'est vrai, aujourd'hui, il est difficile d'aller vers un cinéma qui félicite la capacité étonnante d'une petite population aimant vivre seule avec les autres (conféré le cinéma de kechiche, haneke et autres ozon, ces thuriféraires des êtres n'arrivant pas à vivre seuls à cause des autres). A la suite de dialogues périphériques mais toujours placés là où il faut, vient la condescendance, le dédain puis
------------------------>le mépris de la faiblesse. Celui qui est dépendant, insatisfait (PAUL) est rapidement conspué par les figures de la hauteur, de la domination, de l'au-delà.
Ces figures, comme celle de l'Odyssée, vont aussi quelques fois chercher cette hauteur bien plus par la ruse et la roublardise que par la liberté créatrice même. Ulysse est contraint, alors il ruse. Paul est un Ulysse à qui on ne donne les armes que pour méprendre et se convaincre de sa créativité sur les pages blanches, de l'intelligence de sa lecture de l'Odyssée dans sa crédulité, de la romance de son amour dans sa plus simple médiocrité.
Godard, donc, créé le monde de Paul, sa continuelle parade pour lire, à travers le prisme de ses faiblesses, les actions des protagonistes. Et lorsque l'on décide de rentrer dans ce monde, on accepte la dialectique d'un transfuge de série B américaine à la figure tutélaire d'Homère. Peut-être celle-ci se retrouvant chez Camille, définitivement pas souvent jolie mais si bien présentée (car puissante). Les premières minutes avant le mépris (22mn19sec) décrivent un échange particulier: la muse édifie le dialogue, l'écrivain peu libéré répond ou imite suivant les tâches à effectuer (car impuissant) (caché). >22min25sec le mépris s'installe et s'incarne, et figure les poupées russes de la méprise: le créateur dans sa comparaison, l'observateur dans les contours de ses œillères. Un film ainsi déguisé en mise en abyme pour une puissance du propos dans le propos. Puissance solitaire qui conduit à la satisfaction et nous amenant au mépris d'un cinéaste contraint par le carcan de la production holywoodienne (les enfants de marx et de coca-cola), d'une fransesca livide et amoureuse, des aspirations fétides d'un homme si peu enclin à créer.
Ce monde pour mourir doit tuer (car puissant). Et c'est la ferveur de cette tragédie antique qui efface sans espoir de retour toute correspondance entre cinéma et *réalité.