Le Message
6.9
Le Message

Film de Moustapha Akkad (1976)

Hypocrite, péremptoire, dévoué, a-priori inoffensif : un vrai film de fonctionnaire religieux

Moustapha Akkad, futur co-producteur d'Halloween et cinq de ses suites, tourne en 1976 un film sur la révélation du prophète de l'islam. Le Message est un des rares films produits simultanément en deux versions, une anglaise et une arabe – l'anglaise dure quelques minutes de moins que son modèle et réunit un casting plus bigarré, donc probablement moins approprié. Dans les deux cas le prophète n'est pas montré, se trouve hors-champ lorsqu'il est impliqué dans une scène. Cette excentricité apparente témoigne des précautions prises par Akkad et son équipe, respectueux du code religieux. Mahomet se signale donc indirectement, par une possible vue subjective ou par le biais de son 'assistant' Hamza (Anthony Quinn joue l'exalté en chef).


Le prophète Mahomet apparaît comme un missionnaire apportant la justice et la miséricorde, plaidant pour la compassion et le respect des humbles. Il va jusqu'à défendre l'égalité, entre esclaves et maîtres, aussi entre hommes et femmes. Le film montre la réaction de la domination ; les origines de l'islam sont subversives (mobilisation et construction du premier temple par un petit peuple enthousiaste, enfin libre). Les autorités religieuses ultérieures pourront donc tirer de cette représentation une légitimité plus abstraite, celle des généreux, qui tiennent le livre et les règles bien sûr mais en vertu d'une compréhension de l'Homme, de ses besoins et sentiments, de sa vérité et de ses hautes aspirations – tout ce qu'adore le paternalisme quand il est ou se présente mielleux et/ou amoureux des âmes.


La proximité entre les religions chrétiennes et musulmanes est éclatante. Le Dieu de Mahomet n'est pas incarné, « pas d'argile », pas stockable dans une icône ; ce Dieu unique attire les rires puis la colère des polythéistes. L'heure est au catéchisme 'optimiste', mélange de pacifisme (en volonté, aspiration terminale) et de collectivisme intégral. Pas de coercition, en théorie ; après tout le très-haut est avec nous. Ainsi Mahomet remporta la victoire sans opprimer. Les méchants, les anciens exploiteurs, durent se résigner face à la conquête « des cœurs » - c'est l'angle essentiel par lequel le sujet est abordé, l'esprit, les lois, les 'dérivés' n'y étant pas. Dans la propagande et donc dans ce film, les premiers musulmans obtiennent des victoires militaires sans lancer d'attaques et en tardant ou négligeant l'armement et les préparatifs. Comme toute religion qui se fera respecter, l'islam est au fondement d'une civilisation. Son avènement implique une opposition au tribalisme ; s'il doit être compromis à l'avenir, on en dit pas un mot ici – c'est un des nombreux impensés et impensables. Dans tous les cas il restera l'universalisme – prétention dont toute la violence est déguisée ici comme ailleurs. La Mecque est supérieure à la famille, la tribu, etc.


C'est un esprit de chapelle absolutiste qui l'emporte sur plus petit que soit – et ne pourra trouver que plus petit, plus près des simples nécessités (politiques et matérielles) ou de l'endroit où un mécréant est seulement né. L'islam a l'originalité de pousser cet universalisme conquérant et inclusif à un stade terminal – comme dans tous les films de ce genre (tous Les dix commandements n'y échappent pas), les comparaisons avec les autres grandes confessions ne sont pas au programme – rien de ce qui porterait un regard extérieur n'est admis, ce qui réduit l'intérêt documentaire (historique, même aussi peut-être à un degré 'comptable') du film mais permet de sauver l'intégrité, malgré les choix à assumer sur des points tendancieux comme le sang versé par les pionniers. Si la cruauté doit être prise en compte, c'est toujours d'un point de vue de victime vaillante, mais en même temps inconsciente (elle aura la sécurité pour le rester). L'option La passion du Christ est à des années-lumières, trop brutale, trop intime. Ici les martyrs sont des gens qui meurent pour leurs convictions, sans plus.


Que ce soit ou non à cause de ce mélange de rigorisme et de tiédeur, ce Message manque de souffle. Ce n'est pas le film qui fera décoller ailleurs que chez des convaincus, des individus spécialement en demande ou avec des raisons d'y être. De plus, s'il a les décors authentiques pour argument, il lui manque les moyens. L'absence de libertés d'un tel projet est facilement admissible, mais ici elle entrave plus loin que prévu. Le Message a peut-être le goût secret de la grandeur mais pas l'ampleur manifeste. La négligence de l'espace donne presque l'impression d'un tournage dans une optique 'théâtrale' – ou dans l'esprit d'une vidéo de simulation, avec des barrières imaginaires qui en plus d'atteindre les abstractions ont aussi cerclé le périmètre physique. Enfin l'hypocrisie est massive : où sont les femmes, lors de ces origines (hors de la mère de Mahomet, première martyr de l'islam avec le père) ? Et pourquoi ne pas pousser plus loin, pourquoi ne pas aller voir les fruits de cette mobilisation, vérifier l'affirmation sur le long-terme (celui de la vie des participants suffirait) de ces vertus, leur pénétration dans les cœurs amorphes ou endurcis, leur expansion dans la bonne humeur ?


https://zogarok.wordpress.com/2017/07/30/le-message-version-anglaise/

Créée

le 30 juil. 2017

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