"Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende"

Le film Mohican, présenté en avant-première au festival les Oeillades à Albi, est une réussite remarquable, à la fois haletante et réfléchie. Situé dans les paysages majestueux et sauvages de la Corse, ce western contemporain reprend les codes du genre pour les adapter à une histoire profondément enracinée dans les problématiques locales universelles.


Le film raconte l'histoire d'un jeune berger (joué par Alexi MANENTI) qui s'oppose à un promoteur immobilier mafieux voulant acheter ses terres à un prix astronomique pour les rendre constructibles. Bien que l'enquête policière et le rôle des élus locaux soient laissés en arrière-plan, ce parti pris permet de concentrer le récit sur l'affrontement central : une lutte de valeurs entre un homme seul et un système organisé. Cette opposition, qui dépasse la simple bataille pour la terre interroge sur le poids de l'identité dans un monde globalisé et la résilience des traditions face à la modernité.


Le film parvient à offrir au spectateur une double satisfaction : un excellent divertissement, grâce à son rythme haletant et à ses scènes de violence brutale et saisissante, et une réflexion profonde, comme le font les très bons westerns.

Le film joue également avec le thème de la légende, à la manière de l'Homme qui tua Liberty Valance de John Ford : « Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende ».

Ce motif se traduit notamment par la scène où le berger découvre son visage peint sur les murs d'un village, ou lorsque la jeunesse se révolte après l'arrestation d'un vétérinaire qui l'avait secouru. Un groupe de rock corse célèbre également son courage, marquant ainsi le passage d'un individu à une figure symbolique. Ces moments superposent au conflit de territoire un conflit de valeurs et d'identité, transcendant le destin personnel du berger.

Bien que le film ne développe pas explicitement les motivations du berger pour refuser l'offre, cette absence de mobile clair n'altère en rien la force du récit, bien au contraire. Le personnage s'impose par ses actes et son ancrage dans la terre, renforçant son rôle comme symbole d'une lutte plus vaste. Si le jeune berger incarne une résistance brute et instinctive, sa nièce (interprétée par Mara TAQUIN) joue le rôle de la conscience collective, essentielle pour prolonger et structurer son combat. Cette complémentarité donne au film un équilibre politique et émotionnel qui enrichit l'intrigue.


La réalisation est magistrale, tout comme l'interprétation mêlant acteurs professionnels et amateurs (dont le vétérinaire dixit le réalisateur), qui apporte une authenticité rare. La musique envoûtante de Rone soutient parfaitement l'ambiance du film. Une séquence marquante voit le berger, blessé, s'enfuir dans le maquis. La caméra capte avec brio le côté sauvage de l'Ile de beauté oscillant entre refuge et enfer. Cette scène m'a rappelé le rôle de la nature dans Macadam Cowboy, où l'environnement reflète autant la vulnérabilité que la force des personnages.

Avec son image granuleuse, ses silences lourds et ses dialogues minimalistes, Mohican s'inscrit dans la lignée des westerns où l'action et les regards en disent souvent plus que les mots.


En définitive, Mohican est un très, très bon moment de cinéma. Ce film français marie habilement le suspense, l'émotion et la réflexion, offrant une expérience captivante et mémorable. Il donne envie de découvrir le premier film de son réalisateur Frédéric FARRUCCI, tant celui-ci maîtrise son sujet. Une œuvre à la fois divertissante et marquante qui mérite d'être vue.

Créée

le 24 nov. 2024

Critique lue 40 fois

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