Je me suis toujours battu - du moins moralement - pour laisser les auteurs réaliser leurs propres adaptations cinématographiques. Paf, exemple criant, Games of Thrones et Georges R. R. Martin derrière l'écriture de quelques épisodes. Et là, paf, bonne année, Le Monde de Charlie et Stephen Chbosky aux commandes. Emma Watson pour faire joli. Logan Lerman pour la nostalgie Percy Jackson et Ezra Miller pour le bon jeu.
Voilà. Je n’attendais rien de ce film, sinon du Glee en prose et des proverbes Facebook. (« C’est pas la vie qui est dure, c’est celle qu’on choisit de vivre ;S ») Chbosky a dû me voir venir, avec mon rictus narquois et mon t-shirt Tarantino - le salaud m’a foutu une belle tarte.
Parce que « Le Monde de Charlie », c’est vachement bien. On touche ici à la nostalgie de nos belles années lycée et, surtout à la construction des amitiés. Mine de rien, le sujet se raréfie plus qu’on ne le croit. Premiers bro, première copine, première teuf, premier rapport sexuel, ... Chbosky nous prend par la main, sans trop nous conforter, et nous rappelle cet incroyable doute, cette terreur grandissante que l’on peut ressentir face à un monde que l’on croit adulte. Aujourd’hui, cet univers quel est-il ? Si ce n’est un ensemble de souvenirs figés, une semi-enfance que l’on ne retrouvera plus jamais. Car Charlie, le personnage principal (si, si) traverse un pan de vie entier sans cesser de se retourner. Il reste hanté par sa tante, par le souvenir de son meilleur ami et par les instants, qu’il croit déjà perdus, d’un insaisissable présent. Voici bien une sensibilité véritable : vouloir profiter d’un immédiat, mais le gâcher, le rayer par la peur d’un jour le perdre. Une forme de nostalgie à rebours. En fin de compte, Charlie est un personnage seul, que ses nouveaux amis rassurent ; sans pour autant l’éloigner du gouffre. Moi, spectateur, en suis venu à me poser de véritables questions : sommes-nous encore assez fous pour songer qu’une amitié pourra toujours durer ? Qu’un premier amour sera forcément le bon ? Ou bien aimons-nous, au contraire, vivre le frisson d’un « et si... ? »
Ce personnage qu’est Charlie, magnifiquement interprété, dégage une force complète, un désarroi que nous avons probablement tous vécus, un jour ou l’autre, à réfléchir dans nos lits, les yeux rivés au plafond. On a envie de le prendre dans nos bras, d’être son meilleur pote mais, en définitive l’on choisit de faire confiance aux deux autres - Ezra Miller et Emma Watson - vraiment parfaits dans leurs rôles.
Et puis, ces petits moments un peu clichés, mais fatalement vrais, dans lesquels on peut tous se reconnaître. Me voici, là-bas, qui sors avec une fille par dépit. Qui peine à entrer dans un groupe d’amis, soudés depuis la maternelle. Qui n’ose pas lever la main en classe. Il y a des gays, des nanas rock and roll, des cassettes des Beatles et une époque sans Internet, mais pleine de relations humaines.
Si Chbosky ne révolutionne pas la mise en scène, il pose cependant la caméra aux endroits justes. D’où, l’importance suscitée d’un homme connaissant l’émotion première de son histoire. Ici, ça marche. J’ai pleuré deux fois. (Mes dernières larmes remontent à American Beauty.) On retiendra, tout de même, quelques dialogues que les nanas posteront toutes en statut dès demain : « On accepte l’amour que l’on pense mériter » et « Ce n’est pas la destination qui est importante, mais bien le voyage ».
Je retiens, personnellement, « In that moment, I swear, we were infinite », ou l’acceptation d’une existence sans segments, qui file loin, avec Charlie et sa bagnole, sur les longues routes d’Amérique.