Les arcanes de la politique, vaste sujet ô combien inspirant. Vaste terrain de jeux aussi (de massacre ou de pouvoir, c’est comme on voudra) d’où ne sort rarement (jamais) grandis nos si chers élus. Plus inspirant encore : leurs dérives nombreuses, les sombres écarts et les basses manœuvres. Cette limite, et ce franchissement aussi, des cadres légaux, des lois et des morales, nourrit ainsi le nouveau film de Diastème en phase avec l’actualité : quelles solutions envisager contre les extrémismes galopants, grandissants un peu partout ? Ou plutôt, jusqu’à quelles solutions est-il possible d’aller (un crime d’État ?), et jusqu’à quel prix ? Prix qui piétinerait valeurs et intégrité, et flirtant lui-même, dangereusement, avec cet extrémisme qu’il entend endiguer.
Épaulé au scénario (même si on a du mal, en cours de film, à en constater tout le crédit) par Christophe Honoré et par les journalistes et auteurs Fabrice Lhomme et Gérard Davet (entre autres d’Un président ne devrait pas dire ça sur Hollande et de Le traître et le néant sur Macron), Diastème livre un récit sur les turpitudes de nos institutions face aux dangers d’un nationalisme exacerbé. Récit dont il a souhaité donner la forme d’une «tragédie, de drame élisabéthain». Sauf que dans une tragédie, et surtout dans ce fameux genre élisabéthain popularisé par Shakespeare, il y a de l’ampleur, il y a du mouvement. C’est baroque, ça foisonne, il y a ce qu’il faut de violence, de vengeance et de mort (il suffit, pour s’en rendre compte, de voir comment s’en est emparé Peter Greenaway dans Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant et The baby of Mâcon, films politiques s’il en est, l’un métaphorisant et brocardant le libéralisme thatchérien, l’autre vitupérant l’État et l’Église : avec flamboyance donc).
Rien de tout ça ici, malheureusement. Le film est étrangement atone, et mou, et pas incisif une seconde malgré son passionnant sujet (du moins sur le papier, du moins quand on l’énonce). En outre, il semble constamment hésiter entre le thriller politique et la chronique plus intimiste, se perdant dans de nombreux à-côtés traités sans profondeur ou mal raccrochés à l’intrigue principale (rapport familial, maladie, terrorisme, pourparlers écologiques avec l’Allemagne…). Tous les personnages ont peu de consistance, affichant en toutes circonstances une aura et une ambiguïté proches du zéro (alors qu’il y avait, par exemple, quelque chose à davantage développer dans les relations entre la Présidente et le candidat d’extrême droite ou son garde du corps, sorte d’âme damnée toujours dans son ombre). Au mieux, Le monde d’hier fera penser à un mauvais épisode de Baron noir. Au pire, juste un mauvais film.
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