Voilà de l'auto-parodie mais d'un sérieux morbide – un sous-Homme de la cave, trop anecdotique et vain pour en susciter les joies ou nausées. Les sentences débitées par Podalydès sont peut-être tout ce qui croustille mais il faut être en manque de rhétorique social-démocrate tourmentée, ce qui demande d'avoir une connaissance de la politique aujourd'hui inférieure à celle des gros titres. Au moins le film avec Cluzet avait un mal omniprésent à abattre, or celui-ci est focalisé sur une intrigue qui, par ses enjeux [barbouzeries pour protéger le régime alors que toutes les cartouches humaines semblent grillées], devrait être passionnante, s'avère déplorable. Il faut adorer la politique ou avoir une peur soit existentielle soit bien formelle et citoyenne de la menace brandie pour éprouver une quelconque sorte d'allumage devant ce film.
Il est peu soigné, peu vraisemblable ou nourri, partage cette manie de confondre clichés et médiocrités avec spontanéité. Son aspiration crypto-documentaire le conduit à multiplier les références à des épisodes un temps secrets de la Ve république, comme la maladie de Mitterrand, les assassinats commandités évoqués avec dépit par François Hollande (dans Un président ne devrait pas dire ça) ; puis les suicides réels ou aidés mais y a-t-il plus courant et universel ? Les personnages et répliques sont tellement faibles ou artificiels qu'il n'y a plus à ce stade de gêne à ressentir. Le seul effort d'étoffer un peu un caractère non glauque, il faut le dire avec toute la bienveillance mobilisable, est pathétique. L'apparition de Gaucher, cette vermine insouciante et démagogue parvenue à la tête du parti de l'ordre et des bonnes mœurs – pardon des défenseurs naturels de la République – ressemble à du sous Don't look up conçu par ou pour (ou les deux) des gens peu exigeants sinon peu présents à eux-mêmes et au film.
La seule porte de sortie pour défendre un tel plantage est le malentendu ou la revendication d'avoir conçu un film politique de nihiliste au service du statut quo. S'agit-il de dénoncer la mollesse des centristes tout en restant compréhensif, ne la trouvant pas si coupable tant les circonstances sont difficiles avec la montée de Cnews, de TikTok et de Bolsonaro ? Ce film pompeusement nommé en référence à Zweig veut nous parler d'orgueil, de grande tragédie, d'immenses responsabilités, d'heures de sacrifices, on ne voit que les boutiquiers morbides d'une noblesse aseptisée. Si cette présidente est censée être magnétique et ses propos publics dignes et éloquents, alors les types qui ont pondu sincèrement cette chose doivent venir d'une autre galaxie (son discours en veste rouge est de la merde liquéfiée et user un autre terme serait le galvauder – qu'elle soit montrée abattue de n'être pas assez forte pour tenir ces 'promesses' est lunaire – ou bien nous dit-on que c'est le malheur de ce pouvoir d'être trop responsable et légaliste ?). Une où on sert et met sa foi dans un establishment terne et moisi, où certainement on doit se sentir contrarié par la vanité et le bling-bling des derniers chefs de gouvernement. Cette espèce de conservatisme factuel en voie de radicalisation n'a même pas les prétextes et les phobies de L'homme de la cave pour se justifier, n'en est même pas à renchérir ; il est détaché de tout et ne compte que l'élection.
Pas de population ou même de 'société civile' (seulement une inauguration où notre administratrice remet à sa place un vil élu secondaire), guère d'enjeux autres, soit ; seulement la politicaillerie ! Mais alors pourquoi voit-on à peine une opposition ? Des alliés ou concurrents ? Ici les rares antagonistes ont quelques secondes pour se signaler minables et ne semblent avoir aucun projet ou signature autre que d'embêter cette pauvre mère courage ! Ce film ne laisse envisager que deux blocs avec leurs représentants, celui des républicains est mauvais, le candidat de « l'internationale fasciste » lâche une banalité autoritaire avec un peu de grossièreté (une de ces intolérables 'récupérations politiques' tellement irrespectueuse de l'impuissance calculée – pardon irrespectueuse de l'état de droit et de la peine collective). Il sera convoqué pour une humiliation que cette morte-vivante de présidente n'a pas l'épaisseur nécessaire à la sentir pour elle. Se prétendre gardienne d'un pays et de son intégrité alors qu'on en admire que les privilèges pour suprêmes initiés... est censé inspirer du respect ? De la compassion ? Du soulagement ? Où sont seulement les reliques de ce monde d'hier qu'il faudrait protéger – seulement les reliques, les pièces de musée ; il ne s'agit pas à ce stade de demander du vivant, simplement quelque chose, même d'abstrait ? En quoi est-elle présidente de la France davantage que de la Croatie ou de la salle des fêtes de Limoges ? Qu'a-t-elle à revendiquer de ce pays, à lui apporter ?
Les enjeux personnels tragiques prennent le pas dans une dernière partie opaque. Cette ambiance lugubre et la mélancolie montrent leur raison d'être : honorer la mise en bière de ces 'héros' républicains dont nous ne voyons pas toutes les ombres et surtout ne comprenons pas toute la fatalité qui les y emprisonnent ! Ç'aurait pu être passionnant avec ce parti-pris favorable aux tenanciers du pouvoir ; c'est d'ailleurs pourquoi on peut rester sagement devant ce film mal fait mais regardable grâce aux charmes de l'accéléré ou de la résignation à l'inanité. Qu'on se comprenne bien : Le monde d'hier est plutôt à voir sous cachets pendant une convalescence, quand vous êtes proches de l'usure nécessaire à encaisser cette sorte de légitimisme républicain, que pour s'amuser. Les naufrages que vous cherchez dans ce cas sont déjà largement diffusés, sur tous types d'écrans ; avec la même culture et les mêmes préférences, vous trouverez plus épicé sur France2 dans les émissions présentées par Delahousse. Ici c'est différent. On essaie de garder de la dignité face à ce monde qui ne va plus, car il va à l'extrême-droite, tant que nos extrêmes-probes se sont perdus – mais alors qui peut nous guider ! Au secours, toutes les lumières sont éteintes !
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