« Look, I know I'm not the wizard that you expected. » OZ

En 2003, la sortie de la comédie musicale Wicked, un succès éclatant de Broadway, a captivé le public avec sa relecture des personnages du pays d’Oz, notamment en explorant les origines complexes de la Méchante Sorcière de l’Ouest. Cependant, Mitchell Kapner, scénariste et cinéaste, a estimé que les adaptations cinématographiques auraient également dû s’intéresser au passé du magicien d’Oz, un personnage clé souvent perçu comme énigmatique. Kapner voyait là une opportunité manquée d’approfondir cet anti-héros en examinant comment un homme ordinaire a pu devenir le chef manipulateur d’un monde magique.

En 2010, galvanisés par le triomphe financier de Alice in Wonderland de Tim Burton, les studios Disney perçoivent un regain d’intérêt pour les relectures cinématographiques de classiques intemporels. C’est dans ce contexte que le producteur Joe Roth propose un projet audacieux : revisiter l’univers enchanteur d’Oz non pas par une simple réadaptation, mais par un prequel audacieuse au film emblématique The Wizard of Oz. Cette idée vise à explorer les origines du magicien d’Oz et à montrer comment un illusionniste ordinaire s’est retrouvé au cœur de ce monde magique.

Disney fait donc appel logiquement à Mitchell Kapner, qui collabore avec David Lindsay-Abaire pour élaborer un scénario équilibrant innovation et fidélité à l'univers d'Oz. Cependant, cet exercice s'avère délicat : bien que le film soit conçu comme un prequel, des restrictions légales imposent qu'il ne soit pas explicitement considéré comme tel. Les droits du film de 1939 appartiennent à Warner Bros., ce qui contraint les scénaristes à éviter toute référence directe ou utilisation d'éléments spécifiques. Kapner et Lindsay-Abaire doivent ainsi tracer une fine ligne narrative, évoquant subtilement l'esprit du classique tout en créant un univers distinct et indépendant, une prouesse qui met à l'épreuve leur créativité et leur finesse scénaristique.

En quête d’une vision unique et d’un réalisateur capable de jongler avec de très (trop !) nombreux effets visuels tout en offrant une narration captivante, les studios font appel à Sam Raimi, connu pour son travail sur sa trilogie Spider-Man et ses racines dans le cinéma fantastique.

En 2013, Oz the Great and Powerful fait son entrée sur grand écran, invitant le public à redécouvrir le pays d’Oz à travers une nouvelle perspective.

Le film rend hommage au classique de 1939 en débutant de manière similaire : les premières scènes, situées dans le Kansas, sont en noir et blanc et tournées dans un format d'image 4:3. Ce choix stylistique évoque le caractère modeste et austère du monde réel du protagoniste, Oscar Diggs, un magicien de foire opportuniste. Une fois qu’il est transporté dans le pays d’Oz, l’écran s’élargit et se remplit de couleurs éclatantes, soulignant la transition vers un monde magique et extraordinaire.

Le voyage d’Oscar, magicien de cirque médiocre et charlatan, commence donc lorsqu’il fuit une situation délicate dans son Kansas natal. Pris dans une tornade alors qu’il s’échappe en montgolfière, il est transporté dans le pays d’Oz, un monde merveilleux qui le prend pour un prophétique sauveur destiné à vaincre la Méchante Sorcière. Le film s’attache à démystifier ce personnage emblématique en explorant ses origines : un homme ordinaire, manipulateur et égoïste, cherchant avant tout à protéger ses propres intérêts. Mais à travers ses rencontres avec les habitants d’Oz et ses confrontations avec ses propres failles, Oscar évolue progressivement. De charlatan, il devient un véritable magicien, non pas par ses pouvoirs, mais par son ingéniosité et sa capacité à inspirer les autres. Son parcours de transformation illustre une quête de rédemption et la transition d’un homme ordinaire vers un héros altruiste, capable d’incarner l’espoir.

James Franco, dans la peau d’Oscar, adopte un jeu volontairement naïf, mielleux, oscillant entre la légèreté, le charme maladroit et une exubérance presque enfantine, ce qui reflète le caractère initialement égoïste et opportuniste de son personnage. Ce choix de ton peut, je le perçois comme une manière de souligner la transformation progressive du personnage, d’un magicien de foire peu sérieux à un leader capable de rallier les habitants d’Oz à une cause plus grande que lui-même.

Oscar rencontre des personnages qui évoquent des figures clés de son passé au Kansas, établissant un parallèle entre les deux mondes. Le singe, doublé par Zach Braff, représente Frank, son assistant loyal mais malmené ; la poupée de porcelaine brisée, interprétée par Joey King, reflète la petite fille en fauteuil roulant qu’Oscar a négligée ; et la Gentille Sorcière incarnée par Michelle Williams, symbolise Annie, la femme qu’il a laissé partir par manque d’engagement. Ces rencontres offrent à Oscar une seconde chance de réparer ses relations : il apprend à faire preuve de gratitude envers le singe, à protéger la fragile poupée de porcelaine, et à soutenir la Gentille Sorcière dans sa lutte contre les forces du mal. Chacune de ces interactions reflète son parcours de rédemption, lui permettant de corriger ses erreurs et de devenir l’homme altruiste et responsable que le monde d’Oz attend de lui.

Mila Kunis et Rachel Weisz apportent une profondeur à leurs rôles respectifs des Méchantes Sorcières. Mila Kunis incarne Theodora, une sorcière initialement douce et naïve, trompée par sa sœur et manipulée par les circonstances pour devenir la redoutable Méchante Sorcière de l’Ouest. Sa transformation progressive, tant physique qu’émotionnelle, est marquée par un jeu qui traduit à la fois la vulnérabilité et la colère qui l’habitent. De son côté, Rachel Weisz joue Evanora, la Méchante Sorcière de l’Est, avec une élégance froide et calculatrice, apportant une touche de sophistication machiavélique à son personnage. Sa prestation dégage une aura de menace et de manipulation. Ensemble, Kunis et Weisz offrent des performances contrastées mais complémentaires, capturant la complexité et les nuances des antagonistes.

Si je n'ai pas beaucoup voyager durant le film c'est principalement à cause de la surabondance de CGI, dont la qualité est parfois inégale, ce qui nuit à l'immersion dans l'univers du film. De plus, la 3D m'a semblé totalement inutile et n'a pas ajouté à l'expérience cinématographique. Enfin, la direction artistique, fidèle à l'esprit de The Wizard of Oz original, ne m'a pas convaincu. Je ne suis pas vraiment sensible à cet univers coloré et onirique, et les personnages et décors fantastiques ne m'ont pas touché, ce qui m'a rendu l'ensemble du film moins attrayant.

L'un des éléments clés qui rendait The Wizard of Oz original si mémorable était sa musique iconique, avec des chansons qui enrichissaient l'univers et apportaient une dimension supplémentaire à l’histoire. Ici, en revanche, l'absence de numéros musicaux marquants et la bande-son de Danny Elfman laissent une impression de vide. Bien que Elfman, un compositeur talentueux, soit derrière la musique, son travail ici est oubliable et manque de l'énergie qui aurait pu compléter le film. De plus, la situation entre Elfman et Raimi est particulière, car après leur collaboration sur la trilogie Spider-Man, les deux avaient juré de ne plus jamais travailler ensemble. Cette relation tendue pourrait avoir influencé leur travail commun sur ce projet, donnant lieu à une composition qui ne parvient pas à capter l'attention ni à élever le film de manière significative.

Oz the Great and Powerful offre une vision spectaculaire du pays d’Oz, mais plusieurs choix créatifs et techniques l’empêchent de pleinement convaincre. La surabondance de CGI, la 3D inutile et la direction artistique qui ne résonne pas avec tout le monde viennent alourdir l'expérience visuelle. De plus, l'absence de musique mémorable et une composition de Danny Elfman décevante laissent un sentiment de manque d'émotion. Bien que le film propose une histoire intéressante sur la transformation d’Oscar Diggs, il semble manquer de la magie et de l’envergure qui avaient fait le succès du The Wizard of Oz original.

StevenBen
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le 9 déc. 2024

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Steven Benard

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