Día de Muertos ou le Jour des morts est une fête traditionnelle mexicaine qui honore les défunts, une célébration festive et colorée aux coutumes particulières, inscrite au patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'Unesco depuis 2003.
Et si vous êtes un auteur ou un scénariste, elle propose plusieurs avantages. Elle vous permet de parler de la mort sans plomber le ton et en utilisant un cadre visuel peu exploité, avec ses codes esthétiques. De quoi aussi faire plaisir au directeur artistique, tandis que le producteur se frotte les mains en se disant qu’il peut toucher un large public, en plus de la communauté mexicaine sur son sol ou aux États-Unis.
Et par un alignement des astres un peu trop beau, trois films d’animations sont sortis entre 2014 et 2019 autour de ce thème. La Légende de Manolo a ouvert le bal, réalisé par le mexicain Jorge Gutiérrez pour 20th Century Fox, une belle réussite mais un peu oubliée depuis la sortie de Coco de Pixar en 2017.
Et Le Monde magique de Salma, sorti en 2019 mais prêt depuis 2017, parait-il, et repoussé pour éviter la comparaison frontale avec ce sacré Coco de Pixar. Il s'agit d'une production mexicaine signée Carlos Gutiérrez Medrano, qui réalise ici son premier long métrage. Il est possible d’imaginer la stupeur d’avoir été obligé de laisser la place d’ambassadeur de la culture mexicaine et de cette fête des morts à l’ogre Disney.
Le film met l’accent pourtant sur son visuel, sur ce Mexique si particulier, sur son identité visuelle en veillant à en pas avoir la main trop lourde sur les clichés, ce que ne savait pas doser Coco. On y retrouve les architectures héritées du colonialisme, des costumes qui semblent faits à la main, des fleurs, mais aussi des éléments liés à cette fête des morts, tels que les autels des défunts ou les crânes décorés. De manière générale, les décors sont remplis de détails, de petites touches, glissés sous un prisme chromatique particulier, confrontant les couleurs chaudes avec celles de la nuit.
Mais quel dommage que ces belles images si évocatrices à l’arrêt n'offrent plus la même satisfaction en mouvement. L’nimation est beaucoup trop pauvre, manquant de fluidité. Les personnages sont patauds et pire, leurs expressions faciales manquent de catégorisation.
La quête de Salma à la recherche de ses parents dans le monde des morts se fait donc avec des individualités aux personnalités affirmées, mais qui peinent à offrir l’émotion du script. Le personnage central de cette quête, la jeune femme Salma est d’ailleurs parée d’un caractère fort et geignard dont on pressent qu’il sera amené à évoluer, mais qu’il faudra accepter pendant la majeure partie du temps de visionnage. Le film n’hésite pas à l’appuyer sans remords. Il était ainsi inutile de lui faire dire deux fois de suite à sa grand-mère adoptive dans deux scènes séparées qu’elle n’était pas de sa famille (alors qu'elle l'aime d'amour sa mamounette).
Jorge et Pedro, deux frères et amis d’enfance de Salma l’accompagnent, même si leurs chemins se sépareront dans le monde des morts. Leurs caractères sont peut-être simples, mais déjà bien plus sympathiques. D’autres personnages tournent autour, et si le film a un peu la main lourde sur les sidekicks animaliers (ou du moins surnaturels), certains ont la dose de fantaisie suffisante pour égayer l’un ou l’autre monde.
Le contexte général du métrage est d’ailleurs assez malin, avec ce village qui fut mis à l’écart de la Mort avant de l’accepter, et tout le secret qui entoure les origines de Salma. Morlett, prisonnier depuis des décennies dans le monde des morts, est un antagoniste calculateur mais pas forcément inhumain, blessé par un amour perdu. Une belle phrase comme celle-ci “parfois deux coeurs sont dans le même cercueil” étoffe un tel personnage. Il porte en lui un des messages du film, celui de l’acceptation de la mort, et notamment du deuil de l’être aimé ou du parent.
Le film peine d’ailleurs à bien mettre en avant son histoire principale, le film manquant de souffle la majeure partie de son temps. La mise en scène est peut-être trop légère, assez quelconque. La bande son est trop discrète. Et le caractère de Salma ne facilite pas la connivence. Mais sa dernière phase où les problématiques de chacun se rejoignent et où les masques sont jetés est traversé par un sens bienvenu du spectaculaire qui n’oublie pas ses personnages mais qui aurait gagné à être un peu plus présent précédemment.
Il est difficile d’être pleinement convaincu par le film, non seulement parce qu’il a de sacrés rivaux exploitant le Jour des morts, mais parce qu’il souffre aussi de ne pas être à la mesure de ses enjeux. Il a moins de difficultés pour nous emmener dans son univers, son cadre est travaillé et possède sa personnalité, que pour nous convaincre de la pertinence de son histoire, mal racontée.