Après l'assassinat de Sir Robert King, un grand magnat du pétrole et ami d'enfance de M, celle-ci pense que la fille de ce dernier, Elektra, est en danger et est la prochaine cible des terroristes. James Bond se rend donc en Azerbaïdjan pour poursuivre son enquête, ce qui le fait évoluer dans le monde du pétrole.
Long à la détente
Lorsqu'il est annoncé à la réalisation du prochain James Bond, Michael Apted a déjà plusieurs films à son actif, à l'identité marquée et politiquement engagée tels que "Gorilles dans la brume" ou "Nell". Un peu comme pour David Ayer sur "Suicid squad", on ne comprend pas très bien ce qui a poussé le cinéaste à aller vers une franchise, en apparence, à l'opposé totale de ses valeurs. L'intéressé avouera d'ailleurs plus tard: " Je me demandais si on n'allait me reprocher d'avoir renier mes principes." Qui plus est, ce 19 opus de la licence de l'agent 00 et troisième interprétation de l'ère "Pierce Brosnan" a connu une gestation compliquée, avec un jeu de la "chaise musicale" entre les scénaristes fraichement débarqués Neals Purvis et Robert Wade de même que "l'ancien" Bruce Fernstein. Nombre d'éléments ont été modifiés en cours de route, Purvis et Wade voulant opérer une rupture avec l'approche adoptée sur le précédent opus "Demain ne meurt jamais", en creusant l'affect de l'espion britannique, quitte à lever des tabous. Cet ambitieux projet faillit échoir entre les mains d'un réalisateur néozélandais du nom de Peter Jackson, à l'époque connu surtout pour le mélodrame oscarisé "Heaven Creature", et qui, je pense, n'a rien fait de notable depuis.
Toujours est-il que lorsque la production est mise en chantier, la formule Brosnan a déjà fait ses preuves et que le personnage est définitivement entré dans l'ère du "too much is better", en étant débarrassé des derniers oripeaux de réalisme ou de drame. D'où le choix très étrange d'EON de prendre le contrepied de ce qui était attendu de leur part. L'idée de centrer l'histoire sur le monopole du pétrole serait venue à Barbara Broccoli après le visionnage d'un documentaire dédié aux gisements de la Mer Caspienne.
Le vrai Skyfall?
Pour moi, la réputation du "Monde ne suffit pas" de divertissement à peine passable voire de film décérébré dans lequel Brosnan garde son brushing toujours impec est totalement à coté de la plaque. Alors, certes, le film n'est pas exempt de défauts mais contrairement à ce qu'on pourrait croire, ces problèmes relèvent d'un soucis de tonalité générale et des codes inhérents à la saga. Dire que le scénario et la mise en scène sont fainéants, c'est franchement faire preuve de mauvaise foi au vu de tout ce que le film entreprend pour sortir la saga de son manichéisme. Non seulement Apted montre un James Bond faillible à plus d'un titre mais contrairement aux films mettant en scène Sean Connery et Timothy Dalton, le métrage ne se permet jamais de sortir de son ambiance mortifère, cru et paranoïaque. En effet, le ton est donné dès l'attentat au MI6 qui est suivi d'une scène de discours de M annonçant les trahisons à venir... Car cet opus contient son lot de trahisons, de désillusions et d'alliances changeantes. Ceux qui ont déjà lu mes précédentes critiques le savent, ce que j'aime dans le cinéma c'est cette capacité par le texte, la mise en scène, l'image et le son à jouer avec le concept de "vérité". Parce que finalement, qu'est-ce qui différencie fondamentalement la "vérité" de la "réalité"? Avec l'une, il est très aisée de façonner l'autre. Ce qu'on nomme "réalité" repose bien souvent sur des mensonges qui, avec le temps, deviennent "vrais". Et pour moi, c'est l'un des buts que le film accomplit brillamment, malgré tout ce qu'on peut lui reprocher: arriver à faire basculer l'Univers Bondien dans une forme de vérité. Le fait de faire de ses archétypes de vraies personnes, certaines faisant même des erreurs en étant dans "le camp des gentils". Le fait que finalement, les actions des uns soient la conséquences des autres. Le fait de montrer que l'heure n'est plus aux savants fous excentriques au fort accent autrichien mais aux effets de la mondialisation, des enjeux politiques complexes et rationnels, à la radicalisation des individus lambdas, etc...
Surtout, ce qui est assez inexplicable, concernant ce volet particulier est que tout ce qu'il entreprend (avec maladresse par moment) sera loué plus que de raison dans les films de Daniel Craig... Comme si finalement tout était question de cycle!
Bref, un opus avec ses faiblesses mais aussi ses prises de risques payantes, finalement beaucoup plus dans le sillage de ce qu'avaient déjà proposé les films de Timothy Dalton et Goldeneye.