SI LOIN SI PROCHE
"The Lost World" et "Fallen Kingdom" pourraient s'affronter sur un ring dans une catégorie équivalente. La seule chose partageant ces deux blockbusters sont respectivement le nombre d'années qui les séparent et une légère inflation en terme de coût. A ma gauche donc, le sequel de Jurassic Park accusant un poids de 150 M DE $ (en dollars constants) pour le Spielberg et 170 M pour le Bayona. D'un côté, une genèse un brin corsée puisque sous la pression de Universal, Spielberg rechigne à faire ses devoirs suite à la sortie de "Schindler's list" mais refuse catégoriquement de céder le projet à un goret comme ce fut le cas sur la franchise "Jaws". On peut facilement imaginer la tête du Wonder barbu devant son Bruce de requin bouffant une grenade et laissant ses ratiches sur le carreau dans l'épisode 3. De l'autre, un réalisateur Espagnol, la bouche en coeur et la main tendue vers le studio à la planète bleue, désireux d'offrir un opus plus robuste que l'étron "crétacien" de 2015. Du "Monde Perdu", on apprendra la soudaine disparition de Spielberg du plateau laissant le soin à Janusz Kaminski et David Koepp d'emballer quelques scènes en son absence, le tout supervisé par Skype. L'homme maitrise son sujet puisque son implication dans son projet suivant, "Amistad" lui draine l'essentielle de ses forces. A la manière d'un Tsui Hark, Spielberg travaille d'arrache-pied entre sa fonction de producteur et celle de réalisateur. C'est un contexte plus propice à la passion au matériau d'origine que Bayona aborde "Fallen Kingdom". De la pré-prod' à la post-production, le réalisateur de "L'orphelinat" ne connait aucune effervescence négative confiant son penchant pour les animatronics ainsi qu'une bienveillance envers la franchise qui pourtant à pris un sacré coup corne de brume dans les tympans depuis l'épisode Trevorrow.
LE COEUR ET LA RAISON
Revoir "The Lost World" et "Fallen Kingdom" conjointement, c'est aussi comprendre que la franchise "Jurassic" n'a pas trente-six histoires à raconter et qu'elle se focalise sur les mêmes thèmes depuis bientôt vingt cinq ans. La mythologie du dinosaure réside dans son iconisation. Jurassic Park/The Lost World est un dyptique parfait qui répond à la question de l'émerveillement pour le premier volet et de son pendant survival cauchemardesque pour le second. De cet état de grâce, Spielberg aura déjà tout déployé de sa puissance de feu, ne laissant que les miettes à ses successeurs. "Jurassic World" prolongeait la vision du parc à thèmes mais ne faisait que doper son métrage de dinos sous stéroïdes. Le Résultat fat et à rebrousse-poil de la fascination laissait le spectateur exsangue de conneries tant dans sa forme que de son prolongement thématique du volet d'origine. De cet écueil vaseux nait "Fallen Kingdom" qui, sur le papier, déploie une future exécution du feu de Dieux. Le résultat juste correct écorche la bouche du cinéphile coincé dans sa foi inébranlable et conscient d'avoir vu un spectacle entièrement nouveau. Le voile du remake se pose sur les yeux et très adroitement empêche la prise de hauteur. "Fallen Kingdom" est-il une arnaque, un tour de passe-passe ou une forme de renaissance ? Les trois mon Général...
Tout comme "The Lost World", "Fallen Kingdom" est grosso-modo reçu à coup de burin. L'histoire se répète. On accepte l'émerveillement du Park, on rejète sa face sombre et la délocalisation des sauriens. On aime le rêve pas les idées noires. La réception du dernier né de Bayona rappelle à quel point le film de Spielberg s'est fait gifler à sa sortie. Il rappelle également que quasiment 80% de sa masse scénaristique repose sur le second opus de la franchise. Le script de David Koepp y est plié jusqu'à satiété. On aura beau se perdre en palabres en invoquant le changement de l'unité de lieu comme argument mais là aussi "Le Monde perdu" amorçait un début d'idée coupant déjà l'herbe sous le pied de son descendant.
- GEMELLITÉ DES PERSONNAGES
C'est de notoriété publique, Spielberg dépeint le couple dans sa fracture ou sa réconciliation. "The Lost World" n'y fait pas exception. On y retrouve Ian Malcom face à Sarah Harding (Julianne Moore). Le couple semble battre de l'aile puis se reconsolide devant l'adversité. La fille de Macolm née ou adoptée d'une précédente union fait également partie de l'aventure. "Fallen Kingdom" s'articule autour de la même fonction sans une once de changement. Owen et Claire ne sont plus ensembles et portent secours à Maisie qui se pose d'emblée comme l'enfant réconciliateur du couple et l'annonce officieuse d'un avenir amoureux plus radieux. Même traitement pour les personnages secondaires : John Hammond reçoit Malcolm en robe de chambre dans une chambre médicalisée à l'instar de Benjamin Lockwood recevant Claire en chaise roulante avant ses séances de chimio. On peut y ajouter la figure récurrente du chasseur blanc peu scrupuleux interprétée par Ted Levine et Pete Postlethwaite , short colonial et fusil à l'épaule. Une photocopieuse prend vie sous nos yeux qui peut laisser perplexe.
- FIGURES CAPITALISTES BIEN CONNUES
Si les premiers plans révèlent en tout état de cause la promesse d'un spectacle, c'est la grande figure cachée du capitalisme qui se dissimulent. Rafe Spall (Elli Mills) et Lieutenant de Lockwood tout en costard trois pièces se glisse adroitement dans le corps de salopard campé par Arliss Howard, neveu de Hammond. Même gestuelle posée, même attitude mielleuse ou cynisme apparent... Dans une optique de copycat assumé, "Fallen Kingdom" dérobe également l'idée du sauvetage des animaux et de leurs reventes à des fins purement mercantiles. Une thématique figée dans de l'ambre qui, aujourd'hui, semble usée jusqu'à l'élastique.
- POUR QUELQUES AJOUTS SUPPLEMENTAIRES...
L'ADN du "Monde Perdu" se perçoit dans chaque recoin de décors. L'idée du manoir gothique préexistait déjà dans le film de Spielberg. Hammond ne vivait-il pas dans un manoir lugubre avant que Malcolm n'évoque l'atmosphère des lieux ? Des détails d'une mise en scène connue sur le bout des griffes (L'indoraptor sur la verrière brisée contre la scène du pare-brise de la caravane pour "Lost world"), entrainent les réminiscences d'un rollercoaster déjà connu des fans de Spielby sans les rustines, sans la nostalgie surannée mais avec la saleté qui va avec. En 1997, ce Jurassic Park 2 osait la mise à mort d'une petite fille, le croquage d'un canidé, l'exécution d'une meute de mercenaires de nuit sous une pluie battante. C'est vrai que lorsqu'on y repense ce "JP" sentait la boue et le sang et Spielby n'avait pas son pareil pour foutre un coup de boule dans son décors et en déchirer le concept avec fracas pour que personne n'y refoutent les pieds.
Malgré l'héritage," Fallen Kingdom" existe et sa bouture finale greffant gothisme et monstre préhistorique extirpe in-extremis ce segment du tout venant. Pour paraphraser Malcolm, "Si la vie trouve toujours une voie peut-être que le film de Bayona en trouvera une à son tour".