L’Ironie voulait que ce film sorte au cinéma. Une blague à part entière dans la mesure où l’avant séance porte en germe les thématiques mêmes d’une œuvre dont l’ampleur ne dépasserait pas celle d’une publicité sur les mycoses vaginales : une sorte de succession embarrassante de placements de produits et d’apologie de la dépendance technologique en somme. D’autant plus acerbe lorsque le film se précède d’un « Merci d’éteindre vos téléphones portables ». Ironique, non ? Surtout lorsqu’il nous est impossible d’éteindre l’écran sur lequel est projeté l’illustration d’une société postmoderne où la vacuité et l’aberration sont devenus l’expression d’une jeunesse prisonnière des LOL et MDR. L’exercice stylistique pourrait même nous apprendre à comparer ce « film » à cette désagréable impression générée par une chaussure dans un excrément animal, où le spectateur y serait en toute logique contraint à être la chaussure.
Et pourtant, au milieu de cette déchéance intellectuelle, tout n’était pas à mettre à la corbeille : le simple concept basé sur cette culture du virtuel aurait pu être l’occasion d’écorcher notre société individualiste par l’image impersonnelle qu’elle donne à voir. Une sorte de pur produit du capitalisme qui s’autodétruirait par l’abondance de mauvais goût et d’anticonformisme. Une démarche louable si seulement l’ironie du propos n’était pas asservie d’une morale des plus douteuses, préférant glorifier la dépendance aux Smartphones sans jamais remettre en question ses excès. Et ce qui aurait pu se transformer en un pamphlet subtil, n’apparaît alors que comme un encouragement à ces relations indirectes et à ce tapotage incessant derrière un écran. Assez exécrable au fond.
Mais en même temps, qu’attendre d’un film qui n’existe que dans son impersonnalité ? Une sorte de vague enchaînement, sur la forme comme sur le fond, d’artifices quelconques tendant à divertir sans plaisir. L’intrigue elle-même semble élever la continuelle idée de l’émancipation, de la croyance en sa personnalité (paradoxal pour une œuvre qui n’en a pas) ou comment dépasser sa condition pour enfin révéler aux autres la nécessité d’être soi dans un monde où l’apparence domine. Une espèce de croisement bâtard et difforme entre Les Mondes de Ralph et Vice-Versa, sans inventivité, sans références dignes de ce nom ni émotion. Rien de bien effrayant pour l’instant, jusqu’à ce que les virus infiltrent le scénario ; puisque dans le Cloud, personne ne questionne ton statut existentiel. Car le téléphone s’enfile ou plutôt est-ce là l’erreur même que d’encenser cette servitude mécanique. Un Smartphone où tout programme serait l’esclave inconscient de son utilisateur pour le satisfaire et l’attirer vers plus de dépendance en lui faisant découvrir de nouvelles fonctionnalités. L’obsolescence programmée de notre humanité en somme.
The Emoji Movie en serait même de taille à figurer au palmarès du néant, tant son misérable agglomérat d’écoulement de produits et sa pénurie d’audace sont des insultes à la notion même de divertissement. D’autant plus lorsque d’estimés acteurs en sont abaissés à prêter leur voix à des fientes sur pattes. Tout confine ainsi à l’anti-expression là où la nouvelle génération préfère la banalité d’une Image à la force évocatrice et singulière des mots. Allons plus loin dans l’outrage et conceptualisons le tout : le film en serait réduit à un éternel processeur en surchauffe, un peu comme un Note 7 qui vous exploserait sa morale défectueuse au visage.
Hard Reset