Le général Gougeard (Jean-Louis Trintignant, génial) vient de prendre la tête de la DGSE, et compte bien arrêter les fuites qui ont mené au désastre d'une affaire précédente, très médiatisée. Il met alors le capitaine Duroc (Jean Rochefort) sur une nouvelle affaire, avec la ferme intention que celle-ci se déroule sans bavure. Mais le capitaine Duroc est considéré comme un con par sa hiérarchie directe, qui ne voit pas d'un bon oeil cette nouvelle mission, redoutant le désastre absolu... Mais qui pourrait avoir intérêt à ce que cette mission se déroule mal ?
Bizarrement présenté ici et là comme une comédie, Le Moustachu ressemble plus à un thriller sur lequel on aurait greffé quelques gags et répliques amusantes. Et de fait, le film de Dominique Chaussois serait une comédie bien triste s'il ne relevait que de ce genre-là, tant le timing apparaît beaucoup trop distendu pour provoquer un rire régulier.
C'est parce que Le Moustachu est bien plus réussi en tant que thriller. Toute la première moitié du film étant basée sur l'attente, le scénario réussit à exploiter merveilleusement bien la lenteur des actions, l'arrivée discrète de certains personnages dont on ne sait jamais s'ils sont dans le coup ou de simples innocents arrivés au mauvais endroit au mauvais moment. Le suspense est très habilement géré et réussit à nous tenir en haleine.
Les gags, eux, sont d'autant plus intéressants que le film fait le (bon) choix de ne pas se reposer entièrement sur eux. Il préfère dérouler un scénario bien huilé et faire monter tout un mystère impénétrable plutôt que de nous faire attendre impatiemment le prochain éclat de rire. Ce qui fait que chaque gag ou punchline ne vient jamais briser le rythme très lent et palpitant auquel le scénariste nous astreint.
Il faut dire aussi que le casting nous régale : si le rôle de Trintignant relève bel et bien de la comédie, il investit avec un génie consommé son personnage de général autoritaire et un brin ridicule, tandis que Jean Rochefort assure avec brio ce rôle de capitaine des services secrets ni brillant, ni complètement con, juste perdu dans une mission dont il ne comprend rien, et qui ne se passe pas comme prévu.
Tout cela nous aide à supporter une étonnante absence de direction artistique, la mise en scène relevant à peine du téléfilm diffusé à une heure perdue. Cette étonnante sobriété - pour ne pas dire "austérité" - surprend, mais n'entrave pas le plaisir pris devant ce film d'espionnage efficace et qui ne s'embarrasse pas d'explications excessives. On comprend le dénouement, mais il ne fallait pas y ôter une seule réplique pour en être sûr !
Au passage, il est amusant de voir Vladimir Cosma réemployer ici de manière très sérieuse un thème auquel il avait donné une fonction comique dans La Galette du roi un an auparavant ! Quand le génie rime avec la flemme, on atteint une forme d'art dont seuls les plus grands ont la maîtrise...