film à la fois réjouissant et dramatique.


( pardonnez-moi, je ne vais pas réussir à faire court ni léger )


L'intention du film est simplissime et sans ambiguïté : montrer l'absurdité de l'approche psychanalytique de l'autisme en laissant des psychanalystes en parler devant la caméra; le résultat est terrible. On dirait un stand de foire dans lequel il faut jeter des projectiles sur des marionnettes caricaturales - si ce n'est que les personnages interviewés s'autodétruisent sans qu'il soit besoin de les bombarder.

ça marche incroyablement bien, c'est mieux que surprise sur prise, on n'en revient pas de tant d'absurdité étalée. Mais ...


Mais c'est plus grave qu'il n'y parait. La méthode psychanalytique freudienne appliquée à l'autisme a fait de terribles dégâts humains pendant des décennies.

En France, l'état, les autorités médicales et la totalité des équipes médicales impliquées dans le suivi de l'autisme s'y référait ou s'y soumettait d'une façon ou d'une autre - psychiatres psychologues et soignants. Freud incontournable et seul maître à bord.


Et comme la psychanalyse freudienne niait presque complètement l'autisme comme une réalité en soi, le rangeant dans les névroses et partant du principe qu'il résultait toujours d'un comportement abusif de la mère ( alors qu'il est en partie génétique, on naît autiste, on ne le devient pas ), et considérait qu'il fallait le diagnostiquer ouvertement le moins possible, tenir les parents à l'écart et sans les informer, leur soustraire l'enfant et le tenir enfermé en hôpital, ne pas solliciter l'autiste ( attendre qu'il fasse spontanément la démarche de communiquer avec le professionnel, ce qui ne se produit presque jamais ) et ne pas lui donner d'outils comportementaux pour comprendre les rapports sociaux et interagir ( en clair, on séparait l'enfant de sa famille et on l'enfermait...pour ne pas s'occuper de lui et le laisser s'enfoncer et crever ! ), le résultat était catastrophique.


Un autiste non sollicité et non aidé sombre de + en + . Jusqu'à la violence ou l'automutilation, donc jusqu'à l'enfermement, jusqu'à une fin de vie affreuse dans la saleté et l'absence de soins, la solitude et généralement la camisole permanente ( physique et chimique ) et une mort pitoyable, très jeune. On peut, dans le cas de l'autisme, parler d'attitude criminelle généralisée.


Non non, on ne parle pas du moyen âge, ni du 19e siècle, on était au XXe, tout du long du XXe, merci la France, merci monsieur Freud.


Donc j'ai du mal à rire devant ce film qui, sinon, si l'enjeu avait été moins tragique, s'y prêterait très bien.


Après, il a des ( GROS ) défauts.

Sa construction simpliste : une ribambelle de psychanalystes tellement imbus de leur autorité qu'il se grillent face caméra, et en contrepoint une famille "admirable " avec plusieurs enfants TSA de différents âges, dont les parents font tout le contraire de ce que préconisent les psychanalystes pour aider leurs enfants.


Le casting de cette famille est si parfait pour illustrer le propos du film que la réalisatrice a du crier une énorme YEEEESSS ! quand elle l'a dégottée :

le père, même si ça n'est pas dit, donne l'impression très nette de souffrir aussi de TSA ( la génétique comme cause de l'autisme ), le fils aîné est d'abord passé par la méthode psychanalytique ( à cause de son âge et de l'époque, puisqu'il n'y avait pas encore de méthode alternative en France ) avant que ses parents l'en retirent, et c'est lui qui a les troubles les plus sévères, tandis que ses frères passés par la méthode comportementaliste sont clairement moins handicapés.


On aurait préféré voir plus de familles différents, entendre d'autres sons de cloche.

On aurait aimé plus d'infos sur la méthode comportementaliste, qui a connu de très graves excès aussi ( ça s'arrange de + en + mais... )


Et il y a une faute impardonnable ( vous la trouverez peut-être vénielle, mais pas moi ) :


Les interviews des "coupables " sont en partie trafiqués.

A plusieurs reprises ( soyez attentif ) on voit de brefs fondus enchaînes sur la personne qui parle EN PLEIN MILIEU D'UNE PHRASE, signe qu'on a coupé au montage au milieu de la phrase, et recollé discrètement ensemble des morceaux différents du témoignage enregistré.


On a pu couper ainsi une simple hésitation, un bégaiement, des détails jugés inintéressants, ou carrément coller des parties de phrases différentes pour constituer un discours qui arrange la réalisatrice; on a même pu, ainsi, effacer une de ses questions et donner l'impression que l'interviewé parle spontanément alors qu'il répond peut-être à une question orientée.


Aucun moyen de connaître la gravité du bricolage :

le procédé, qui est en train de devenir courant ( radio et télé ) détruit la confiance. C'est d'autant plus stupide de la part de Sophie Robert, que visiblement elle avait obtenu des "aveux" spontanés hallucinants, bien suffisants pour nous convaincre, il ne fallait pas les altérer !

Comme un enquêteur qui, disposant de preuves matérielles suffisantes, les bricolerait malgré tout pour les rendre plus nettes, détruisant pour toujours leur validité;

comme un reporter qui effacerait des personnages, des véhicules ou des bâtiments sur les photos destinées à illustrer son reportage, et qui collerait ensemble des morceaux de photos pris à des moments différents !


Il faut que les réalisateurs et les monteurs sons renoncent à charcuter au milieu des phrases des témoignages qu'il recueillent, c'est une question de crédibilité; Quand vous, spectateurs, le constatez, refusez, cessez de voir, cessez de croire, protestez !


Bon, voilà, pardonnez-moi d'avoir été lourd, le film mérite quand même d'être vu parce que les interviews non charcutés suffisent : ils sont terribles.

On a carrément honte pour les "spécialistes", il y a des longues minutes très gênantes quand, exceptionnellement, ils réalisent l'énormité de ce qu'ils sont en train de dire. Des moments rares.


Si vous voulez en savoir plus sur cette invraisemblable tragédie française ( la France a été condamnée pour ça par les instances internationales de santé ), lisez par exemple "Autisme, la grande enquête".



moranc
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le 9 sept. 2023

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