Une fois qu'on a vu pas mal de classiques, que l'on a épuisé la liste des films à voir absolument, que les monuments incontournables de Scorsese, Truffaut, Sautet, Risi, Forman and co ne semblent plus avoir le moindre secret pour vous, il peut poindre une forme de crainte assez folle : Ferais-je un jour le tour du cinéma comme on peut faire le tour de sujets bien moins fastidieux tels que la Britpop anglaise des 90's ou les speakerines françaises des années 80 ? Une crainte assez ridicule si on y pense 5 minutes car on a jamais fait le tour de quoi que ce soit, surtout du cinéma.
Mais j'imagine que beaucoup de personnes respectables se sont déjà inquiétées un jour d'être condamnées à visionner des films toujours moins beaux ou moins intéressants que ceux déjà vus. Et d'avoir dès lors pour seul salut la recherche de pépites méconnues, d'injustices cinématographiques à découvrir, ou tout du moins de merveilleuses œuvres pas forcément ignorées, mais qui nous ont échappées pour des raisons variées : exotisme, appartenance à une époque lointaine, ou encore pour cause de séquestration décennale dans une cave pour les moins fortunés d'entre nous. Une chasse en somme. Un peu comme cette chasse sordide aux kangourous dans Wake in fright de Ted Kotcheff. Un film australien qui a illuminé ma vie de "cinéphile" dernièrement, et tant impressionné que je n'ai pas encore osé écrire quoi que ce soit à son sujet.
En revanche, je peux essayer de faire quelques lignes sur le bien moins intimidant Navigator : une odyssée médiévale de Vincent Ward ! Un ressortissant zélandais du pays voisin et même rival si j'en crois Flight of The conchords. En tombant par hasard sur ce film, et en consultant les rares critiques qui s'y attardent ici même, j'ai bien cru retrouver le petit frisson qui m'a parcouru devant le Kotcheff. Déjà une histoire de voyage dans le temps, ça me branche, raison pour laquelle je me suis aussi fardé Origami sur TV5 monde, mais je digresse sur mon agenda...
Navigator plonge des personnages issus de l'époque médiévale dans les années 1990. Ça vous rappelle quelque chose ? Ils tentent par tous les moyens de freiner une épidémie de peste qui frappe leur pays et bientôt leur village. Un enfant aux dons de voyances montre le chemin, et pousse un groupe de héros à emprunter un passage dans les entrailles de la terre qui mène à notre époque. Ils n'en savent rien, ils croient chercher une grande ville et une grande église afin de manifester leur foi à son sommet.
Une odyssée qui les amènera à combattre des créatures infernales (les voitures, le bras automatiques d'une casse automobile, un RER, un sous-marin) et à trouver des adjuvants ferronniers. La réalisation est assez audacieuse pour le coup, on commence en noir et blanc, et ça fait penser au 7eme sceau, puis ça alterne avec la couleur, y a du flash-forward, des visions... des images étranges comme cette torche qui tombe indéfiniment, mais ces effets "empêchent" aussi le sentiment d'immersion qu'on pourrait éprouver au début du film. J'ai pas pu m'empêcher de penser à La chaire et le sang de Verhoeven (même si les deux films n'ont rien à voir) en raison de cette modernité qui sue littéralement de la pellicule. Les acteurs sont rigides et pas tous convaincus ni convaincants. Et pour le dire clairement, oui on pense clairement aux Visiteurs par moment (Ulf coincé sur l'autoroute), c'est con hein mais on est français on se refait pas, et Ward n'y peut évidemment rien.
Surtout qu'il a une vision originale, et son film n'est pas balisé pour le spectateur, et ne ressemble pas à un film hollywoodien de l'époque. Ce qui est déjà beaucoup, et qui explique peut-être le fait que le film soit un peu surévalué dans l'esprit de certains. Mais il y a beaucoup de petites choses qui ne collent pas trop dans son récit, quand bien même les légendes médiévales sont truffées d'éléments tout aussi improbables. On suit donc les aventures et les prophéties du jeune Griffin sans déplaisir, mais sans grand intérêt non plus. Car il y a de sacrées longueurs (la scène sur la barque, avec le cheval blanc qui n'est là que pour mettre du symbole, pour faire un plan esthétique mais gratuit de la croix sous les eaux). Le grand moment de gêne archi évitable est évidemment lorsque Connor se retrouve par accident (?!) accroché à la tête d'un train et fait le tour de la ville à vitesse grand V en gobant les moucherons. Jean-Marie Poiré peut-être jaloux sur ce coup là. The Navigator n'est pas les Visiteurs, ni Retour vers le futur, mais ce n'est pas le 7 sceau ou Solaris non plus. C'est un film singulier, mais on ne peut pas parler de chef-d'œuvre caché.
J'ai pas eu le frisson de la pépite. Et si The Navigator était au cinéma ce que le groupe gallois Catatonia est à la Britpop ? Un truc moyen, limite exotique, pas désagréable mais logiquement oublié de tous.