Ruche familiale.
Bonjour tout le monde,Laissons parler Bela Tarr: Béla Tarr est un cinéaste étonnant et fort brillant dans la mise en place des plans séquences , intenses et étalés dans le temps. Ici , le format...
Par
le 16 oct. 2024
1 j'aime
L'entrée au cinéma de Béla Tarr est un film épreuve qui demande beaucoup à son public, mais d'une autre façon que sa période cosmique qui débutera avec Damnation : ici, il nous enferme. Longues focales, caméra épaule, montage-cut, dialogues entre visages ; Cassavetes, Fassbinder et d'une certaine façon Wiseman (on colle des gros plans entre eux pour mieux marquer le manque d'intimité et de liberté comme dans Juvenile Court) ne sont pas loin. Méthode de filmage/montage éprouvante, indigeste, intenable sur le temps long — pour tout ce que ça a de bon et de mauvais au cinéma donc —, comme l'est la situation décrite, l'asphyxie familiale dans un espace clos restreint, en quête d'un nouvel appartement que le système bureaucratique soviétique empêche d'acquérir même dans l'acharnement ; en attente d'une échappée.
Plus le film s'installe, plus l'on se rend compte que Tarr ne nous met pas exactement dans la peau de son personnage principal en quête d'émancipation, comme l'on pourrait s'y attendre, mais plutôt dans la peau de tous ses personnages : à la fois tour à tour, en leur dédiant des séquences individuelles, mais aussi en même temps, dans l'amalgame de toutes ces frustrations (car aucun·e n'est satisfait·e de la situation), comme s'il s'agissait d'un film retranscrivant l'état émotionnel de tou·te·s, dans un même étau, contradictions comprises. Finalement, dans cette sur-identification composite, Le Nid familial ne ressemble en rien à une fiction, trop près d'une retranscription crue de la réalité, à laquelle même cette superbe trouvaille de fin n’échappera pas, ces plans-interviews de chaque personnage donnant sa vision des faits, rêvant d'un autre avenir.
Ainsi je me demande si l'expression quitter le nid familial, s'envoler du nid familial, a son équivalence mot pour mot en hongrois ou s'il s'agit d'une trouvaille des traductions française et anglaise, tant Tarr semble insinuer souterrainement la partie manquant à son titre, décrivant bien ce nid pendant plus d'1h30, sans pour autant montrer comment efficacement le quitter, mais laissant tout de même place à une seule séquence de pur bonheur, une virée familiale au parc d'attractions où, à bord d'un manège à quelques mètres de hauteur, la caméra est embarquée dans un bolide, aux côtés de la femme et de son enfant, faisant des cercles autour du père resté lui au sol, s'enivrant à boire sa bière, seul présage d'un véritable envol, loin de celui avec ses maux qui peut-être les empêchait jusque-là de décoller. La séquence suivante commence sur son vomi.
3,5.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Notes sur un mouchoir de poche
Créée
le 4 avr. 2022
Critique lue 201 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Le Nid familial
Bonjour tout le monde,Laissons parler Bela Tarr: Béla Tarr est un cinéaste étonnant et fort brillant dans la mise en place des plans séquences , intenses et étalés dans le temps. Ici , le format...
Par
le 16 oct. 2024
1 j'aime
[Mouchoir #12] L'entrée au cinéma de Béla Tarr est un film épreuve qui demande beaucoup à son public, mais d'une autre façon que sa période cosmique qui débutera avec Damnation : ici, il nous...
le 4 avr. 2022
1 j'aime
Premier visionnage d'une œuvre de Béla Tarr pour moi, premier choc esthétique lié au réalisme de l'œuvre. Ce réalisme passe par des personnages complexes, du vieux père de l'appartement...
le 6 mars 2024
Du même critique
[Mouchoir #43] Ce qu'il y a de particulier lorsque l'on ne rentre pas dans un film, c'est que le temps de la projection peut se transformer en tribunal de notre sensibilité ; où l'on se met à...
le 6 févr. 2023
7 j'aime
J’ai récemment relu la critique de zombiraptor sur Interstellar. « Qu’est-ce que ça vient faire là ? » me direz-vous. Eh bien, sa conclusion résume ma pensée ; le reproche fait à Nolan est qu’il ne...
le 3 févr. 2023
7 j'aime
Le projecteur éteint, tout le monde quitte la salle. Nous partageons tous ce même sentiment une fois dehors. D’un film, quelle qu’en soit sa nature, je n’en garde que quelques images, désordonnées,...
le 27 janv. 2018
6 j'aime