Le petit prince et les branquignols

Le Nouveau n'est pas si loin de Naissance des pieuvres et Tomboy de Céline Sciamma, pas si loin non plus de L'Esquive d'Abdellatif Kechiche et du Marivaux qui pesait des oeufs de mouche dans des balances de toile d'araignée. Non pas qu'il ait quoi que ce soit d'ambigu, mais par sa fraîcheur, sa légèreté, son ton juste, son authenticité, il m'a rappelé ces trois films et auteurs. Oui, Le Nouveau est un petit miracle de légèreté, alors qu'il traite de choses (la peur de l'autre, la différence, l'exclusion, la cruauté des rapports entre ados, le goût de stigmatiser) pas si légères que ça. Et tout ça (cet ordonnancement de scènes) tient on ne sait comment, mais ça tient et ça donne un joli film, assez marrant, surprenant et... plus profond qu'il n'en a l'air.
C'est l'histoire d'un "petit prince" de douze, treize ans, charmant mais timide qui, tout juste débarqué du Havre, fait ce qu'il peut pour s'intégrer dans une quatrième du lycée Montaigne (VIème arrondissement de Paris, face au Jardin du Luxembourg), mais seuls les "branquignols" ("marginaux" ou "vilains petits canards") de la classe l'accueillent spontanément et lui manifestent autre chose que de l'indifférence ou une attitude moqueuse de prétendue supériorité.
Petit à petit, une vraie et roborative amitié va même, assez étrangement, assez miraculeusement, naître entre eux et lui, l'aidant en fin de compte à surmonter le flop de son coup de coeur pour une très jeune et jolie Suédoise, elle aussi fraîchement débarquée dans cette quatrième du lycée Montaigne.
En fait, l'histoire a deux niveaux de lecture : un de surface, qu'on appréhende tout de suite et qui fait sourire, et un sous-jacent, plus sombre, qui, lui, interpelle. Car les personnages (notamment ceux que j'appelle les "branquignols", faute de trouver un terme plus approprié) sont relativement complexes, parfois même contradictoires. Rudi Rosenberg a dû se donner beaucoup de mal pour créer les uns et les autres et leur faire vivre les péripéties qu'ils vivent. Si le film ne se laisse pas facilement oublier, c'est que sous le "teen movie", il y a une étude de caractères assez fouillée et une histoire parfois cruelle, limite déchirante.
En tout cas, dans les toutes dernières scènes du film, on sent que ça y est, la bande est soudée et chacun de ses membres revigoré, transformé par le miracle de l'amitié. Benoît, Josuah, Aglaée et Constantin commencent non seulement à attirer l'intérêt d'une partie de la classe, mais ils prennent clairement plaisir à être et vivre ensemble, au lycée comme en dehors.
Les jeunes ados sont bien castés, jouent juste (chacun dans sa "branquignolerie" particulière) et avec beaucoup de naturel. On passe en leur compagnie un vraiment bon moment et on regrette même, à la fin, qu'il n'y ait pas 10 minutes de rab.


P.S. L'actrice qui joue Aglaée (Géraldine Martineau) est effectivement bluffante. Je lui donnais, comme aux autres, treize ans. Peut-être quatorze. Elle en a le double !

Fleming
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le 29 déc. 2015

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