En 1974, après l'incontestable succès d'Un Amour de Coccinelle, Choupette revient dans une suite intitulée Un nouvel Amour de Coccinelle puis Le Nouvel Amour de Coccinelle.
Alors, alors: Un indéfini, suggérant une histoire parallèle de moindre importance, ou Le défini affirmant la suite d'Un Amour de Coccinelle ?


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L'Étrange Coccinelle de Mr Hawk



Cette première suite au chef-d'oeuvre des sixties, née au début des seventies est imprégnée du psychédélique de sa décennie. Il suffirait tant pour s'en convaincre que pour la définir de ne conserver de ce métrage fou-fou l'excellente mais furieuse scène de cauchemar du remplaçant de Thorndyke, Alonso Hawk. Comptant les moutons sur le conseil de son médecin, le vieil acariâtre, qui a déjà eu affaire à Choupette, voit surgir des moutons tatoués du chiffre 53 bientôt remplacés par des Choupette monstrueusement carnivores, mâchoires tranchantes et pointues exhibées aux bords du capot. Puis sans transition, sans logique - hors celle du rêve - le vieil Hawk apparaît dans son songe, attaché à un totem, prisonnier de Choupettes emplumées dansant autour de lui et d'un grand feu. Pas le temps de crier que le voilà à la place de King Kong su'l'Empire State, cherchant à attraper une nuée de petites coccinelles motorisées qui volent à son niveau. Entre Freud et Dali, sous acide comme un délire hippie, cette scène à elle seule donne à voir la folie, la fantaisie et l'humour du second opus de la saga de La Coccinelle.
Le sujet du film est d'ailleurs intéressant et, par certains aspects, aurait pu lorgner bien plus du côté du chant de Noël de Dickens. Alonso Hawk, égoïste promoteur, réputé pour ses vagues de destructions impitoyables, s'est lancé dans un nouveau projet d'urbanisme. Seule épine dans son mocassin verni, et pas des moindres, Mme Steinmetz, la grand-mère de Séraphin, l'ami garagiste de Jim Douglas. La vieille dame et une jeune femme résistent encore et toujours au vil promoteur et, grâce à choupette, la vie n'est pas facile pour les légions d'hommes de loi qui cherchent à les déloger. Sur ce, intervient le naïf, brave, débonnaire neveu de Hawk que ce dernier va utiliser comme cheval de Troie pour persuader la vieille dame. Mais, sous le charme de Nicole, la jeune amie de Mme Steinmetz, et indigné du comportement de son oncle, le jeune homme se dressera contre son entreprise de délocalisation pour que la vieille maison et le passé qu'elle fait survivre tiennent bon contre la modernité. Scrooge de l'investissement urbain et du bâtiment, Hawk feint un renversement de cuti qui eût apporté un beau final à cette belle petite histoire un rien guimauve mais sombre dans une ultime pantalonnade qui n'était pas bien nécessaire. Hélas ...


Mais un bel humour, porté par une fantaisie débridée, relève la sauce. Ou fait grincer les dents des tenants d'un certain réalisme hors de saison dans les aventures d'une voiture disposant de sentiments humains.
Car, cette fois, plus rien n'arrête la folle Choupette ... les menaces de mise à la fourrière ou de privation de sortie matrimoniale exceptées ! La Coccinelle se promène dans les grands hôtels, les réceptions guindées, les concertos de violons endormis, les toits et les rebords de fenêtres d'immeubles. Plus vivante que jamais, la petite voiture va où bon lui semble, surprenant personnages et spectateurs. Surprenant tout le monde sauf Mme Steinmetz, incarnation parfaite du flegmatisme à l'anglaise, que rien étonne et qui relate les événements les plus extraordinaire avec la banalité d'un fait divers dans un décalage délicieux à qui l'humour anglais. Rafraîchissant dans une saga américaine. Et précurseur: Choupette se livre à une petite baignade qui n'est pas sans annoncer la promenade marine de la Lotus esprit de James Bond dans L'Espion qui m'aimait. Et, à ce propos, elle dispose de sa Herbie's Girl !



Girl Powers from UNCLE



Après Michele Lee, plus connue sous le sobriquet de "Nana de Côte Ouest", c'est au tour de Stéphanie Powers, l'April Dancer de Girl from UNCLE (Annie, agent très spéciale), l'égale féminine de Napoleon Solo, de prendre sa place au volant de Choupette. Au volant, oui, car Nicole, son personnage est un personnage de femme forte, indépendante, engagée dans la cause de la préservation du patrimoine. Le "héros" masculin, qui est son faire-valoir, étant le neveu de l'antagoniste venu en son nom au commencement, l'apprend d'ailleurs à ses frais, portrait et buffet refaits à coups de bonnes droites et de homards.
Ce qui ne l'empêche pas d'être craquante, sexy et sentimentale. Une vraie femme, qui n'a pas besoin de virilité pour être et qui s'impose en Jim Douglas au féminin, mieux en héroïne féminine installée à la place narratologiquement actancielle de son prédécesseur, sans l'imiter, sans devenir lui, sans le métamorphoser en femme.
Mieux ! Toute héroïne qu'elle soit, elle a la fierté d'un héros type Douglas et le jeune homme maladroit qui l'accompagne, comme la Carole Bennett ou le Seraphin Steinmetz du premier film, lui sert de garde-fou. Couple inversé, c'est néanmoins toujours le damoiseau en détresse qui entreprend la démarche de séduction et demande l'héroïne en mariage.
C'est d'ailleurs en ces termes que le jeune transi décrit la belle au caractère si trempé: "Sans vouloir porter atteinte à votre grâce et à votre charme, je vous avoue que ce qui m'attire, c'est votre parfum de danger (...) imminent".


                                                           **MAIS**


Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?



Au rêve du cruel Alonzo Hawk, on peut opposer celui de Choupette - car, oui, Choupette rêve ! Mais de quoi au juste ?
Le second opus de la saga de la Coccinelle, c'est un peu comme le second Freddy Krueger: le personnage est là, toujours central, et pourtant projeté arbitrairement dans une histoire qui ne le concerne pas le moins du monde. Aucun rapport avec Un Amour de Coccinelle, sinon la présence de Mme Steinmetz, apparentée à Séraphin, l'un des protagonistes du premier film, qui raconte d'ailleurs avoir obtenue la petite auto malicieuse des mains de Jim Douglas lui-même qui aurait repris les courses sans elle. Impensable, quand on a suivi les péripéties et déboires de la relation fusionnelle entre Douglas et Choupette, quand on se remémore la jalousie maladive de Choupette. Jetterons-nous la faute sur Dean Jones qui trouvait le nouveau scénario trop faible, sur Robert Stevenson qui tenait à une suite ? Disons les deux, disons aucun des deux. Toujours est-il que ce film tient du quasi-spin-off, indépendant du reste de la saga branche Douglas, incarné par le jukebox façon tramway vintage qui dispose lui aussi d'une âme et qui agrémente la plupart des événements d'une musique de circonstance de son choix.
Ou bien incarné par le rêve de Choupette, justement, qui ne consiste en fait qu'en un recyclage et montage de scènes de courses du premier opus, ramené là de manière opportune pour forcer le lien, justifier une continuité absente. Le rêve de Choupette sera néanmoins épaulé d'une scène surréaliste de joute automobile entre les nouveaux protagonistes emportés par Choupette et le Chevalier Rouge, un personnage de pseudo-méchant d'arrière-plan imité du THorndyke de Tomlinson.
Scène surréaliste qui souligne d'ailleurs ce qui est à la fois la grande qualité du film et son plus grand défaut: le trop plein d'humour et de fantaisie.



Un Humour de Coccinelle



Car ce nouvel opus se distingue par sa folie furieuse qui ne déplaira pas à qui a l'esprit fantaisiste et surréaliste mais outrera sans doute les autres spectateurs.
Beaucoup d'humour, certes, mais peut-être trop. Une démesure en regard avec l'habile dosage du premier opus qui pouvait avec une même scène faire rire et pleurer à la fois. L'âme d'enfant a cédé à l'âme d'ado des années 20 !
Choupette fait donc de la joute, poursuit son adversaire sur les toits, cède aux menaces de grand-mère, se baigne, joue aux indiens, aux avions, aux tramways (avec lesquels la confond un vieux militaire) et s'avère ne plus être si unique qu'on le croyait. S'il y a dans cette dernière assertion de quoi tisser un lien avec le discours de Séraphin sur l'avènement discret d'une nouvelle race d'êtres motorisés, l'idée d'une Choupette réunissant toute les coccinelle du quartier à la façon des 101 Dalmatiens peut sembler jouissive comme laisser interdit, voire fortement déplaire.
Inutile de rationaliser, de chercher à comprendre, Nicole le dit en pacte de lecture en début de métrage: "Aucune idée: les voies de Choupette sont impénétrables" !


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Ce sera donc plutôt UN Nouvel Amour de Coccinelle, quoi qu'en veuille bien affirmer le nouveau titre du film, car il s'agit d'une belle petite fantaisie, entre Mary Poppins (Tirez-vous, les pigeons !), L'Apprentie sorcière (l'assaut final des Coccinelles), qui explore une autre façon d'imaginer les aventures de la petite auto, sans réellement donner suite à l'indépassable premier opus.

Frenhofer
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le 24 nov. 2019

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