Le Parfum de l’encens est une grande fresque biographique et sociologique sur la vie d’une geisha signé Keisuke Kinoshita, réalisateur prolixe de l’après-guerre mais plutôt méconnu en Occident.

Le film commence l’année de la victoire du Japon lors de la guerre russo-japonaise (1905) et se termine après la Seconde Guerre mondiale (en 1954 exactement). Scindé en deux parties à la date du tremblement de terre de 1923, il raconte la relation tumultueuse entre une jeune fille élevée par des geishas et devenue maîtresse dans son art, et sa mère, femme d’origine paysanne, remariée plusieurs fois et ayant dû se prostituer (en tant que courtisane) pour survivre. Deux visions opposées sur la vie semblent opposer les deux femmes, en plus du poids des relations sociales du Japon sclérosé de l’entre-deux-guerres, qui les confine à un rôle fortement normé au sein d’une structure patriarcale.

Le film, très long (3h 20), tire son épingle du jeu par sa mise en scène sobre mais qui sait se renouveler, aidé en cela par des décors très beaux et raffinés. Rien à voir avec les films de Naruse ou d’Ozu, beaucoup plus austères en comparaison, mais on n’est pas sur le même rythme de production aussi, il est vrai. La photographie est impeccable ; il en ressort un grand soin apporté au cadrage des personnages dans le décor, et à l’éclairage.

Sur le plan narratif, Koge n’est en rien un film mélodramatique tel que le Japon en produisit par centaines après-guerre. On sent que c’est une adaptation de roman, en cela que l’intrigue donne un peu trop l’impression d’être fixée sur des rails bien rectilignes et sans aspérité. La forme prime donc sur le fond, ce qui est à la fois positif en termes de rythme, mais nous laisse un peu sur notre faim à plusieurs reprises. Le caractère des personnages est brossé à grands coups de pinceaux, sans être réellement approfondis, y compris pour les protagonistes que sont la mère et sa fille.

Le réel plaisir provient de la principale actrice, Mariko Okada, dans l’un de ses derniers rôles pré-Yoshida. Elle incarne à merveille cette geisha superbe qui se flétrit avec beaucoup de dignité au fil des ans, encaissant les uns après les autres les affres que la vie lui inflige durant cette période troublée de l’histoire japonaise. Son jeu modulé, parfaitement fondu avec la trame formelle du film tout entier, ne peut que subjuguer le spectateur du début jusqu’à la fin.

Sans être le plus grand film sur le monde des geishas dans le Japon du premier XXe siècle (il est en réalité plus que cela), ni un mélodrame à la hauteur de ceux réalisés par Naruse, Koge n’en demeure pas moins une agréable histoire sur les relations entre une mère et sa fille, au sein d’une société patriarcale en mutation.

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le 25 oct. 2022

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