"J'ai toujours refusé d'être un pantin, de danser au bout d'un fil tiré par des gros bonnets"

Parfois, je me demande comment un film avec une mise en scène si sobre, un réalisateur si peu confiant à la barre, des pressions de production absolument terribles, peut être devenu un monument écrasant, un chef d'oeuvre dont l'importance et la portée sont dignes de ces grands maîtres du panthéon de la pensée antique, dont la résonance est universelle, dont chaque citation, tous devenues de véritables maximes, fait frissonner le spectateur.


Comment un simple oubli de travail technique sonore (le bruit des pas sur les graviers lorsque Michael contemple stoique la mort vengeresse de son beau-frère dans la voiture) donne une allure sidérante et époustouflante de froideur à partir d'un malentendu.


Génie sourd, génie non clinquant, génie discret, génie intemporel.


Le chaos des tournages des films du père Coppola a toujours profité à ce dernier, c'est là où on reconnait les vrais cinéastes, les battants, les virtuoses du baroque, la démesure cachée derrière l'élégance, le charme romain, Coppola est devenu une institution, un phénomène, un artiste maudit fascinant qui a toujours su tirer profit des inconvénients. Le Parrain est la prémisse, Apocalypse Now en est l'apothéose.


Le thème funèbre sublime de Nino Rota, la prestance divine et miséricordieuse de Marlon Brando, la froideur fascinante d'Al Pacino, la démence de James Caan, la frénésie de Talia Shire, le calme impressionnant du personnage de Robert Duvall, le mariage lancinant qui annonce une tragédie familiale grandiose, la scène du cheval, la vengeance croisée avec le baptême, la clôture, la destinée bouleversée et tragiquement muette de Michael Corleone... Des scènes, des acteurs, des personnages, des thèmes, des sons et des images qui sont devenus eux-mêmes des monuments dont on peut aisément les gorger de superlatifs.


Cela fait des années que je voulais réellement écrire quelque chose sur ce film, tournant dans ma cinéphilie, je m'y attelle aujourd'hui, sans grande satisfaction. L'oeuvre est si grande, et si complète grâce à la trilogie parfaitement cohérente (et qui plus est, le deuxième volet permettra d'ajouter plus d'épaisseur au formidable personnage de Fredo incarné par le tout aussi formidable et regretté John Cazale, ici un peu trop timide) qui lui donne une allure de fresque, une épopée homérique, une tragédie euripidienne, une philosophie sur la Famille et la liberté, un opéra de vie et de mort, une légende, une malédiction familiale mythique, qu'il en est difficile d'évoquer toute sa grandeur et toute son importance. Gros, gros coup de génie.

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le 27 mars 2015

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MrOrange

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