Le bon mafieux il tue mais c'est pas pareil

Vu dans les débuts de ma cinéphilie, j'étais surpris de trouver une version 'vulgaire' du Guépard. C'est probablement la première fois que je me suis dit que ce film était à revoir dans dix ans où je pourrais davantage l'apprécier – c'est donc le cas zéro de ma liste des 'Films à voir après 30 ans/Sans intérêt à 20 ans'. Une douzaine voire quinzaine d'années après : je ne m'étais pas trompé et cette fois la séance m'a paru passer en un éclair.


Par contre le film reste insuffisamment remarquable ou inouï pour mériter sa réputation – et je ne suis pas ébloui par le personnage de Brando, qui sent la sortie de piste à chaque intervention et donc n'a d'intérêt que symbolique – si vous n'êtes pas sensibles à la force du mythe, il n'y a plus grand chose. Je préfère le personnage à la fois dense et 'linéaire' d'Al Pacino, ce Michael Corleone sereinement mort à l'intérieur, gestionnaire froid et avide plutôt que cruel ou moraliste (à ce stade) – sa forme d'intelligence est bien plus reptilienne, étroite, que celle de son père. Sa façon de se raccrocher à l'histoire familiale par défaut, par considération pour son héritage supérieur, plus encore que par atavisme, a la même saveur que la bizarre obstination de nombreux acteurs politiques sans génie mais incontournables à force de jouer l'inertie ; la différence, c'est que Corleone peut s'autoriser beaucoup, car il a les moyens, la légitimité et des contraintes éthiques minimalistes.


Au-delà de la présentation de ce nouveau tyran qui se retrouve à surenchérir ce qu'il avait fuit, Le parrain est une puissante saga familiale. Mais le point de vue collectif et la nécessité de faire adhérer le public conduisent à la formation de caractères vides et un point de vue manichéen, avec l'ensemble des concurrents de Corleone présentés comme de stricts salauds. Ce sont de tels sparring partner que le film doit les marteler en urgence pour les faire exister avant la confrontation décisive (par conséquent pas si intense que brillante – splendide séquence du baptême). De plus les trafics et la violence sont occultés sauf en ce qui concerne les luttes de pouvoir les plus rapprochées du sommet ; on voit donc bien un film sur des maîtres féodaux, ensuite et de façon évasive un film de gangsters. Un film de propagande ne serait pas si différent. Casino ou la plupart des Scorsese sont à la fois plus réjouissants et plus francs


https://zogarok.wordpress.com/2024/12/20/le-parrain/

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le 20 déc. 2024

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Zogarok

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