Avant de tenter de comprendre ce qui fait que cet opus est le moins bon des trois, rendons hommage à la continuité et la cohérence de ce qui le lie aux précédents.
Du point de vue idéologique, le fil est tiré : soucieux d’accéder à la légalité, Corleone infiltre définitivement le crime organisé le plus puissant, celui de la finance dans lequel trempent l’église et les consortiums immobiliers. Le monde court à sa perte et rien ne pourra sauver l’homme de pouvoir.
Sur le plan esthétique, Coppola ne renie pas ce qui faisait la grandeur des premiers volets : l’importance de la cérémonie, le noir et les ors, et le gout pour un final opératique en apothéose dans lequel les mises à mort s’enchainent en montage alterné. On frôle l’autocitation, notamment dans la séquence d’assassinat du parrain local dans une rue de New York lors d’une fête italienne, écho évident, voire poussif, à celle vécue par Vito dans le II. Au choix : paresseux auto-plagiat ou continuité esthétique, de toute façon sacrément maîtrisée ? J’opterai pour la seconde option. Coppola parsème son épilogue de renvois à la mythologie toute entière, notamment à travers le motif de l’orange : celles que cherche Brando lorsqu’on le fusille, celle qu’il mange avant de mourir, celle que De Niro se fait offrir par un commerçant reconnaissant, celles que mord Andy Garcia peu avant son accession au pouvoir, et celle que laisse tomber Al Pacino lors de son décès.
Sur le plan psychologique, Michael au soir de sa vie tente la rédemption. Auprès de ses enfants, de Dieu, éventuellement, mais surtout de son frère décédé et de son ex-femme. Cela occasionne des échanges inégaux et la fragilité subite du personnage n’est pas toujours très cohérente avec son personnage. Autant, la maladie et le corps grotesque en manque de sucre sont un point assez fort du film (« je ne t’ai jamais vu aussi vulnérable », lui assène son ex-femme qui lui rend visite à l’hôpital), autant cette tendance à l’auto apitoiement peut s’avérer longuette et larmoyante.
Ensuite, le monde change, on ne cesse de nous l’asséner. Et les personnages aussi. Hagen/Duval manque cruellement, et Andy Garcia ne fait clairement pas le poids. Son faciès de mignon petit chat rital, sa métamorphose en Michael aussi resucée que peu crédible sont des verrues sur le film. On ajoutera quelques scène dites d’action qui sont d’assez mauvais goût et sentent tout de même assez la surenchère de moyens et d’exigences du studio : la tentative d’assassinat de Vincent et de sa copine journaliste, et surtout l’attaque par hélicoptère.
En somme, un film qui aurait pu être un naufrage, mais de très bonne facture, et dont l’unique tort est de se vouloir la suite de monuments intemporels.

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Sergent_Pepper
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le 23 juin 2013

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