Le Passager de l'été par pierrick_D_

Quelques années après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale,Joseph,un ouvrier agricole, se fait embaucher dans une ferme de Normandie,que Monique,femme d'âge mûr, dirige seule depuis que son mari s'est barré.Le gars ne va pas tarder à coucher avec sa patronne,mais la situation se complique quand il tombe amoureux de Jeanne,la fille de Monique.Avec ce premier,et seul à ce jour,long-métrage,Florence Moncorgé,la fille de Jean Gabin,passait à la réalisation après une longue carrière de scripte,et on ressent effectivement qu'elle est plus à l'aise dans l'écriture,elle a rédigé le scénario,que dans la mise en scène.Son film est lent,platement réalisé à la manière d'un téléfilm,et se perd inutilement dans une dimension documentaire genre "les travaux des champs expliqués aux citadins".Le cadre rural est exploité jusqu'à plus soif,et rien ne nous est épargné des activités agricoles.S'ajoute à cela des dialogues affectés dopés au langage paysan caricatural et une reconstitution d'époque aussi appliquée que statique,qui fait ressembler les décors à ces villages d'antan factices réservés aux visites de touristes.Heureusement,ce n'est pas la dimension matérielle qui est importante ici,mais plutôt l'aspect sociologique,qui nous permet d'appréhender une époque révolue et pourtant pas si lointaine.Car le film évoque une période charnière de l'Histoire de France,cet après-guerre qui voit s'annoncer de futurs grands bouleversements.L'évolution de la place de la femme dans la société,en premier lieu.Dans un pays qui a perdu nombre de ses hommes lors de la guerre,on a cruellement besoin de bras et,pour le dire crûment,de bites.Ainsi,les femmes doivent prendre les choses en main,si on peut le dire ainsi,et commencent à s'émanciper.Il y a Monique,la chef d'entreprise,qui a appris malgré elle à se passer des hommes et commande comme eux.Il y a Jeanne,la génération suivante,qui représente la femme instruite et devient institutrice.Il y a aussi Angèle,la femme libérée,qui vit sa sexualité sans tabous et se moque de la bienséance.Toutes ces filles sont clairement des pionnières du féminisme et gravitent autour de Joseph,le beau commis taciturne,qui doit composer avec leurs désirs dans ce monde où les jeunes mâles sont rares.On voit également se pointer,à travers le personnage de Lecouvé,gros propriétaire terrien et maire de la commune,le modernisme et la mécanisation des campagnes.Avec son tracteur et ses machines à traire,il fait advenir la facilitation du travail et par ricochet la disparition à long terme des emplois agricoles.La fin de l'influence religieuse est aussi évoquée,par le biais de la prédominance laïque du maire face au curé.En outre se dessine un intéressant portrait des rapports de classes.Dans ce monde encore régi par des codes sociaux rigides et des réalités financières intangibles,chacun est sommé de rester à sa place.Si Joseph baise Monique,c'est autant par attirance sexuelle que par désir de revanche sociale,du fait qu'elle est sa patronne.Et quand il prétendra partir avec Jeanne,Monique ne se fera pas faute de le renvoyer cruellement à son statut misérable,lui faisant comprendre qu'il vise trop haut.Parallèlement,le film tisse des rapports touchants entre des personnages très humains et bien dessinés,et développe une double histoire d'amour tragique.Monique,frustrée depuis trop longtemps,est de toute évidence folle de son employé,bien que celui-ci soit clair sur ses intentions.L'amour entre Jeanne et Joseph est partagé mais se brisera contre le mur de la réalité de l'époque.Ce qu'on peut reprocher au film,c'est d'échouer,par excès de timidité, à installer l'ambiance sensuelle visiblement espérée.Les comédiens s'emparent de leurs rôles avec une belle implication et un talent sûr,ce qui n'était pas gagné d'avance tant ils semblaient à la base éloignés de leurs personnages.Le d'habitude très falot Grégori Derangère s'impose avec autorité,naturel et virilité dans la peau d'un homme fruste mais foncièrement bon.Catherine Frot,bien loin des nunuches à simagrées qu'elle incarne en général,est éblouissante en maîtresse-femme tantôt fermière à poigne tantôt femelle pantelante.La lumineuse et radieuse Laura Smet,toute en justesse et retenue,compose merveilleusement une jeune femme s'éveillant au sentiment amoureux.François Berléand,l'indispensable second couteau de luxe du cinéma français,est une fois de plus épatant en édile progressiste et matois.Mathilde Seigner,dans son emploi coutumier de pin-up grande gueule,illumine l'écran à chaque apparition.Même les petits rôles sont tenus par des acteurs de grande classe comme Samuel Le Bihan,Jacques Spiesser ou Jacques Boudet.