Secret story
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le 21 mai 2013
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Marie doit retrouver Ahmad à l’aéroport. Derrière une vitre, elle l’aperçoit. Celui-ci, à l’air déjà très grave, semble préoccupé à chercher sa valise ; malgré les signes de Marie, il ne la voit pas.
Il faudra l’intermédiaire d’une voyageuse pour que celui-ci se rende enfin compte de sa présence.
Mais malgré ça, chacun de l’autre côté de la vitre, ils se parlent sans s’entendre, sans se comprendre, ‘‘rendez-vous à la sortie’’ semble lui faire signe Ahmad.
Dès cette première séquence, c’est fou comme la mise en abîme est profonde.
Car ce problème d’incommunicabilité, qui persistera durant tout le film, ne reflète rien d’autre que notre relation en tant que spectateur avec l’auteur. Nous avons beau payer, entrer dans la salle, nous asseoir, c’est comme si nous n’étions pas là. Nous avons beau l’appeler, le supplier de faire quelque chose pour nous, Asghar Farhadi ne semble pas s’en préoccuper.
A l’image de ses personnages, c’est un film complètement replié sur lui-même qui nous est exposé, nous avons beau attendre en vain la voyageuse qui fera l’intermédiaire entre lui et nous, elle ne viendra pas.
Une fois ensembles dans la voiture, le son grave des essuie-glaces nous assomme, avant qu’Ahmad efface la buée de la vitre, puis qu’à peine descendu de la voiture il aide déjà les enfants à remettre en place la chaîne de leur vélo. Derrière chaque petit geste, la lourdeur de l’idée qu’il veut faire passer se fait sentier, rendant le tout parfaitement artificiel.
Rien ne nous paraît naturel, même le métro joue faux ; jusque dans les dialogues, lourds, sonnant eux aussi très faux : « ça fuit, il y a toujours eu cette fuite. » dit Marie à Ahmad qui tente tant bien que mal de colmater l’évier. Les subtiles métaphores comme celles-ci abondent et plombent le film, qui n’avait pas besoin de ça pour paraître tragique.
Les photos données à la presse ne s’y trompent pas, chagrin, tristesse, les personnages regardent par terre ou dans le vide, mais surtout pas dans les yeux, ou alors juste quand il faudra s’engueuler.
De la souffrance, ça, on n’en manque pas, la mère, l’ex, le compagnon, la fille, le fils, tout le monde est triste, tout le temps, et c’est sans doute le sentiment qui nous est le mieux transmis.
Sans aucun lyrisme ni aucune envie apparente - il faut avouer qu’on se demande comment l’on peut avoir envie de tourner un film pareil -, Asghar Farhadi illustre son histoire par des cadrages sans inventivité, oubliant complètement ce qui fait le cinéma, pour nous servir un drame qui fera un bon téléfilm France 3, pour changer un peu entre deux reconstitutions de la seconde guerre mondiale.
Tout du long, on se demande quel effet veut-il donner au spectateur ?
Voudrait-il nous procurer une tonne d’émoi qui ne nous toucherait jamais par ce misérabilisme narratif et ce jansénisme formel ? Même pas sûr.
L’interminable durée (plus de 2h10) que ni le fond ni la forme ne justifie, joue aussi son rôle dans ce qui ressemble de plus en plus à une torture psychologique qui nous est infligée.
Car il faut dire que dans la dernière demi-heure, Asghar Farhadi, se rendant peut-être compte que son film manque d’enjeu, nous donne l’impression de se retrouver comme obligé de nous dégoter des rebondissements pour nous servir une intrigue sortie d’on ne sait où, réduisant au fur et à mesure la question du film à : ‘‘La femme de Samir qui a tentée de se suicider a-t-elle lue les mails que son mari échangeait avec Marie avant d’avaler du détergent ou pas ?’’
On s’en fiche ? Pas les personnages, visiblement préoccupés non pas par le fait qu’elle se soit suicidée mais plutôt pour savoir s’ils sont responsables ou non, afin qu’ils sachent si ils doivent culpabiliser, ou si il y a possibilité de rejeter la faute sur quelqu’un d’autre.
Aucune remise en question qui pourrait donner lieu à une perversité morale intéressante, le soucis étant qu’Asghar Farhadi également croit en ses protagonistes et en leur comportement, le manque d’autocritique n’étant donc pas réservés aux personnages fictionnels. Tout cela toujours servi par ce véritable manque de crédibilité dans les dialogues qui ne peut qu’être re-souligner, à base de : « C’est pour ça qu’elle s’est tuée, elle voulait mourir. » ou de réactions invraisemblables telle que celle de Samir qui, lorsqu’on lui apprend qu’on a transféré à sa femme les mails qu’il échangeait avec sa maitresse, ne trouve rien de mieux à répondre que : ‘‘Comment on a eu son adresse mail ?’’
Quel est donc alors l’effet qu’a pu vouloir nous transmettre Asghar Farhadi avec un tel film ?
Finalement sans doute aucun, on ressort simplement encore plus blasé qu’en étant entré, sans avoir été ni émerveillé, ni bouleversé, ni cultivé, ni troublé, ni choqué, sans avoir rien vu, tout simplement.
Créée
le 15 mars 2018
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