Stand by Mud
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Dès les 3 premiers plans du film, le décor est planté, chien qui hoche la tête pour plage arrière de voiture, revolvers accrochés au mur, plaques d’immatriculation de l’Arkansas s’entassant sur un meuble, le tout saupoudré d’une couche de crasse, bienvenue chez l’Amérique redneck, où les bouseux loosers ne devraient pas tarder à rentrer dans le cadre.
Divorce parental, problèmes d’alcool, de violence quotidienne, adolescent déboussolé rempli de fureur, intrigue floue ne nous laissant que peu d’indices sur où l’on va nous emmener, tout les ingrédients du drame auteuriste austère sont présents.
Pourtant, dès les premières minutes, nous comprenons. Grâce à ces deux enfants ; voguant vers l’île interdite, regardant droit devant eux, vers l’avenir, sans peur, des étoiles plein les yeux ; étoiles que Jeff Nichols va s’attacher à nous transmettre tout du long à la manière d’un Spielberg écrivant Les Goonies qui rencontrerait les mythes du western.
Penchant positif du Killer Joe de Friedkin, et après l’apocalyptico-paranoïaque Take Shelter, Jeff Nichols nous surprend ici avec une magnifique ode à l’espoir, que l’on n’imaginerait aucunement dans la première partie du film tellement les indices laissés sur le personnage de Mud, à commencer par l’intelligence du casting de Matthew McConaughey (que l’on attend justement à voir rejouer son rôle de Killer Joe), nous laisse présager le pire quant au déroulement des évènements. D’abord véritable anti-héro de western spaghetti, hors-la-loi à l’allure négligée, mystérieux, violent et sans aucune famille, il se révèle comme le film être une boule de gentillesse naïve croyant à l’amour coûte que coûte.
Nichols nous donne une leçon sur la façon de présenter un personnage et la manière dont cela influera notre regard sur celui-ci tout au long du film. Apparaissant de nulle part au détour d’un plan tel un fantôme pour Mud, ou provoquant le regard captivé d’une bande de jeunes avant d’apparaître au ralenti pour sa muse Juniper (Reese Witherspoon), ces idées sur le papier assez kitsch sont effectuées avec une telle simplicité qu’ils en deviennent juste instantanément fascinants.
Car là est la réussite et l’intelligence de Jeff Nichols, qui croit complètement à ce qu’il fait tout en n’oubliant jamais de le faire avec une sobriété exemplaire. Expliquant qu’il ‘‘ ne cherche pas à réinventer l’art de faire des films, mais simplement à raconter de bonnes histoires’’, et parfois, cela suffit à créer quelque chose de merveilleux.
Tout ce qui pourrait alors sombrer dans le misérabilisme, comme lorsqu’Ellis se retire dans sa chambre pour pleurer après avoir appris que sa maison risquait d’être détruite, n’en devient que plus émouvant, ici grâce à la musique qui au lieu de souligner le malheur participe à redonner envie et espoir au personnage.
Oui, Jeff Nichols nous présente des rednecks, mais attachants et gentils, vivants au final non dans la saleté mais dans un paysage magnifique qu’il aime à filmer.
Oui, il nous présente un monde dur (
l’amour, la maison et par elle la famille sont bien défaits à la fin du film, évitant cette fois de tomber dans un happy end niais
), mais il sait surmonter ça pour raconter son histoire avec un lyrisme et une envie auxquels les auteurs français feraient bien de songer.
Créée
le 15 mars 2018
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