... don't really harm nobody."
Plus on farfouille dans la filmographie de John Frankenheimer et plus on trouve d'éléments bigarrés, de périodes qui s'accordent assez peu entre elles, du navet fin de siècle avec Jean Reno Ronin au classique du thriller SF 60s L'Opération diabolique avec Rock Hudson, je suis à chaque fois impressionné. Le Pays de la violence sort au tout début des années 1970 mais il y a dans le décor automnal de cette petite ville du Tennessee un avant-goût du crépuscule de la décennie, sensation étrange — mais sans que les thématiques ne soient comparables au laisser-aller des années 80, tragique pour Frankenheimer qui se perdra dans des films d'action vraiment (mais vraiment) tout pourris. C'est un style, un cadre, et une histoire très originaux conférant au récit un petit côté bizarroïde : tout part d'un shérif s'ennuyant dans sa triste vie, perdu dans sa vie monotone au creux d'un bled l'enfermant chaque jour un peu plus dans la morosité, qui un jour tombe nez-à-nez avec une jeune femme, l'éclair du renouveau amoureux (et plus généralement, émotionnel) qu'il attendait sans le savoir depuis trop longtemps et qui pourrait bien le sortir de sa vie terne. Mais un problème conséquent se profile à l'horizon : c'est la fille du distillateur hors-la-loi local, avec son whisky clandestin de moonshiner.
Gregory Peck, avec ses épaules larges mais vieillissantes, incarne étonnamment bien cet homme un peu âgé qui se retrouve face à un dilemme insondable. Pour la première fois de sa vie, il semble retrouver goût à la vie au contact de la jeune Alma (cliché de l'épouse trop vieille spotted) interprétée par Tuesday Weld. Mais pas de bol, cette romance entrave son sens moral puisqu'il va devoir fermer les yeux sur les activités interdites du père... Et autant dire qu'il le paiera au prix fort. Dommage que Peck semble autant à côté de ses pompes.
Ce n'est pas tant le scénario qui brille par son originalité, mais plutôt tout le contexte. L'ambiance de petite ville perdue dans la campagne américaine, les flics qui se font globalement chier, les couleurs automnales qui circonscrivent les lieux, la petite entreprise familiale de whisky de contrefaçon, la musique composée par Johnny Cash — qui donne son titre original au film, "I Walk the Line", bien supérieure à la version française, avec son double sens et sa suggestion quant à la soumission aux normes du coin. La région semble peuplée de gens maltraités par les conditions, dépourvus d'espoir, assis sous leur porche toute la journée à regarder passer les voitures. Plus triste encore, le personnage de Peck semble victime de sa faiblesse de caractère, lui qui perdra tout faute d'avoir pris une vraie décision. Au centre des enjeux du film : sa relation avec Alma, catalysant des intérêts divergents que certaines âmes malveillantes tentent d'exploiter à leur
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