Le petit dinosaure et la Vallée des Merveilles a été sobrement renommé par des milliers d’enfants : Petit Pied. Ainsi, ce film est désormais plus connu à travers le nom de son héros que par son véritable titre (faites le test autour de vous, vous verrez que souvent, les gens ont même été jusqu’à oublier comment cette œuvre avait été nommée à la base). Mais, à dire vrai, on s’en contrefiche pas mal puisque le plus important, c’est quand même de l’avoir vu.
Parce que « Petit Pied » est un film qui se doit d’être visionné au moins une fois dans sa vie. Le mieux étant de le faire voir à des enfants pour qu’ils soient bien traumatisés, comme nous à notre époque, par Dent-Tranchante, la Grande Trembloterie et la disparition de la mère de Petit-Pied. En effet, on parle régulièrement de la mort de la mère de Bambi comme d’une scène choquante de l’Histoire des films d’animation. Personnellement, ce passage charnière de la vie du petit « Long-Cou » me paraît autrement plus poignant que ce décès qui se produit au final hors cadre (j’étais plus grande ceci-dit quand je l’ai vu, ce qui peut avoir influencé mes sentiments à cet instant). Quoi qu’il en soit, même encore maintenant, entendre les derniers mots de cette mère courage et les appels vains de son fils ensuite, ça me tire toujours des larmes.
Mais « Petit Pied », ce n’est pas que la mort d’un personnage qui n’occupe qu’une dizaine de minutes l’écran. C’est aussi toute une bande de jeunes dinosaures, séparés de leur famille suite à la dérive des continents, et qui n’ont d’autre choix que de trouver la fameuse Vallée des Merveilles où tous leurs congénères sont censés se retrouver pour festoyer en chœur. De jeunes dinosaures qui vivent dans une société où les « Trois Cornes » ne parlent pas aux « Longs-Cous ». De jeunes dinosaures qui vont braver cette loi, soit volontairement, soit malgré tout (parce que c’est quand même mieux de faire la route en groupe plutôt que seul). Cinq jeunes dinosaures donc : Petit-Pied (le Long-Cou), Céra (la Trois-Cornes), Becky (la Grande-Bouche), Pétri (le Volant) et Pointu (le Queue-à-Pointes), qui vont devoir affronter moult dangers avant d’atteindre leur but. Cinq gamins avec un caractère bien défini : l’innocent mais courageux Petit-Pied, la prétentieuse et belliqueuse Céra, la joyeuse et sautillante Becky, le brave et maladroit Pétri, et enfin, le timide et affamé Pointu. Comme ça, chacun pourra se choisir son petit chouchou (à moins de tous les élire).
« Petit Pied », c’est aussi un impressionnant tremblement de terre qui soulève des montagnes, creuse des canyons et terrifie même les plus gros dinosaures. C’est un méchant tenace, titanesque et teigneux : un bon gros T-Rex borgne que tous appellent Dent-Tranchante (et à juste titre). Ce sont des paysages, magnifiques, désolés, désertiques et hostiles (à mon dernier – et récent – visionnage, j’ai été impressionnée par la qualité et la quantité de détails des décors). Ce sont des montagnes russes émotionnelles où on passe du sourire à l’effroi, de la tristesse à l’amusement et de l’espoir à la déception en quelques secondes. C’est aussi le trait très particulier de Monsieur Don Bluth (père notamment de : Brisby et le secret de NIMH, Charlie mon héros, etc.) qui parvient à rendre plus adulte un dessin animé réservé aux plus jeunes, simplement en ajoutant des rides à tous les coins d’œil ainsi que des cloques et autres verrues à tour de bras (on est très loin des visages lisses de Disney, dont il est un transfuge par ailleurs). Et enfin, c’est aussi une musique géniale qui me file des frissons à chaque fois que je l’entends (elle est tellement belle qu’on la retrouve tous les ans au Festival de Cannes).
« Petit Pied », c’est malheureusement un des titres de notre enfance massacré lors de son passage en DVD. Les voix ont changé et les dialogues également (disparu le : « J’ai voli ? Non, t’es tombi. » original, finis les « voui, voui, voui » de Becky). Les nouveaux comédiens sont d’ailleurs si paresseux que Céra n’émet plus le moindre cri quand Dent-Tranchante se réveille de sa chute dans la crevasse. Dommage.