Il aura fallu près de dix ans au duo Rassam-Soumache pour parvenir à adapter sur grand écran le livre le plus lu au monde, après la Bible : «Le Petit Prince» d'Antoine de Saint-Exupéry. Doté d'un budget impressionnant de 60 millions d'euros et destiné à un public mondial, ce film ressemble fortement à ce qui pourrait s'appeler un "blockbuster à la française", digne de rivaliser avec un géant comme Disney-Pixar.
Pour relever cet incroyable défi, les producteurs français ont fait appel à un as de l'animation, repéré chez DreamWorks, Mark Osborne. Célèbre pour son «Kung Fu Panda», le réalisateur américain a longtemps hésité avant de s'engager. En effet, même si sa maîtrise technique est indéniable, le talent poétique nécessaire pour faire vivre le Petit Prince ne s'invente pas. Pour permettre au film de durer plus d'1h30, les scénaristes ont fait le choix de faire de l'histoire originale du Petit Prince une "histoire dans l'histoire".
Ainsi, c'est une petite fille qui se trouve au centre du récit. Une petite fille dont le "projet de vie", la carrière, a été soigneusement préparé par sa mère, heure par heure, minute par minute. Un projet de vie scélorosée d'adulte qui ne va pas lui plaire longtemps. De plus en plus intriguée par son vieux fou de voisin qui semble faire de drôles d'expériences dans son jardin, elle va peu à peu s'extirper de ses obligations scolaires. Ce voisin, c'est l'aviateur (Saint-Exupéry), à qui André Dussollier prête sa voix. C'est lui qui va raconter à la petite fille, l'histoire du Petit Prince. C'est lui qui va lui permettre de s'évader de ce monde d'adulte et de vivre une vraie vie d'enfant.
Et c'est là que le film se sépare en deux. Autant la partie sur l'histoire originale, réalisée en stop motion (en volume, image par image), parvient à séduire en incorporant un peu d'onirisme, autant la partie inventée, réalisée en animation moderne (image de synthèse), s'avère trop lisse et trop formatée pour émouvoir. C'est bien dommage de ne pas avoir pris un peu plus de risque en s'essayant à d'autres formes d'animation. Le dessin-animé fait main aurait sans doute été plus efficace. Mais l'essentiel est invisible pour les yeux.
En effet, au delà de ce petit regret sur la forme, il faut bien avouer que l'ensemble est assez réussi. Grâce à un casting de voix impeccable, de Dussollier à Cotillard en passant par Cassel et Lindon, et surtout à une nouvelle très jolie composition du grand Hans Zimmer, le film contient quelques merveilleux passages. Mais après l'excellent «Vice-Versa» de Disney-Pixar et les amusants «Minions» d'Universal-Mac Guff, «Le Petit Prince» de Paramount-ON Entertainment va devoir se faire une place dans un box-office estival déjà bien rempli.