Jean Luc Godard est probablement l'un des réalisateurs les plus critiqués par tous ceux qui rejettent le côté trop intellect' d'un certain nombre de films d'auteur. Au point que l'expression "film d'auteur" se révèle déjà pour eux péjorative.
Ce rejet de l'intellect peut se comprendre lorsque le spectateur est un grand consommateur de cinéma classique. Il s'agit bien en effet de faire la distinction car Le petit soldat est une oeuvre résolument moderne. Défamiliarisation et réflexion en sont les maitres-mots.
On ne cherche pas à immerger le spectateur dans un univers féérique mais plutôt à provoquer chez lui une pensée critique vis-à-vis du cinéma mais pas seulement. En effet, Le petit soldat ressemble à un manifeste bien que le terme soit inapproprié. Par contre, on pourrait éventuellement le qualifier d'essai philosophique et politique.
Godard nous livre à sa manière ce qu'il pense du cinéma, du rôle des acteurs, etc. Par ailleurs, ils dénoncent la torture sans auto-censure. Il y défend des idées tout en laissant au spectateur le temps de la réflexion.
J'ai regroupé certains dialogues. C'est assez difficile et critiquable mais cela permet de mettre en relation les différents thèmes abordés
Libre à vous d'en juger et d'y réfléchir :
1 : Qu'est ce qui est important?
On ne sait jamais ce qui est important.
Quelque fois, j'ai l'impression d'avoir mal employé mon temps.
Ce qui est important, ce n'est pas la façon dont les autres vous regardent. C'est la façon dont vous voyez votre propre visage.
Peut être que c'est ce qui est important : arriver à reconnaître le son de sa propre voix et la forme de son visage.
Peut être après tout que poser des questions est plus important que de trouver les réponses.
2 : Photographie et cinéma
La photographie, c'est la vérité. Le cinéma, c'est la vérité 24 fois par seconde. Quand on photographie un visage, on photographie l'âme qu'il y a derrière.
3 : Les acteurs
Les acteurs, je trouve ça con, je les méprise. Vous leur dites de rire, ils rient. Vous leur dites de pleurer, vous leur dites de marcher à quatre pattes, ils le font. Moi je trouve ça grotesque. Pourquoi? Je ne sais pas, ce ne sont pas des gens libres.
4 : L'amour
Hier je n'étais pas avec vous et pourtant je pensais à vous. Aujourd'hui je suis avec vous et je pense à autre chose.
5 : La liberté
Il y a des choses qu'on fait à certains moment de l'existence et d'autres pas.
Peut être qu'avec le remord commence la liberté.
Je me suis demandé si j'étais heureux de me sentir libre ou libre de me sentir heureux.
6 : La torture
Je ne sais pas si je suis courageux, mais je vais bien voir.
La torture, c'est monotone et triste. Il est difficile d'en parler.
Pensez à autre chose, vite, vite... Ne pas penser à la douleur, vite... Prendre la douleur de vitesse.
La force est supérieure à l'intelligence, ça ne fait aucun doute.
7 : La Guerre et la politique
La tragédie aujourd'hui, c'est la politique. Ce n'est pas moi, c'est Napoléon.
Je trouve que la guerre d'Algérie est injuste. Les autres ont un idéal. Mais pas les Français. Il faut un idéal.
On défend des idées et pas des territoires.
C'est terrible aujourd'hui. Si vous restez tranquille à ne rien faire, on vous engueule justement parce que vous ne faites rien. Alors on fait les choses sans convictions, et je trouve que c'est dommage de faire la Guerre sans convictions.
Aujourd'hui la révolution, pour quoi faire ? Dès qu'un gouvernement réactionnaire arrive au pouvoir, il applique une politique de gauche. Et le contraire.
8 : L'idéal
Il y a quelque chose de plus important que d'avoir un idéal, mais quoi? Quelque chose de plus important que de ne pas être vaincu, je voudrais savoir quoi exactement.
Ma conviction est que tout le monde a un idéal. il y a donc quelque chose de plus important que tout le monde n'a pas. Je suis sûr que Dieu par exemple n'a pas d'idéal.
9 : La pensée
Peut être que des gens parlent sans arrêt comme des chercheurs d'or, pour trouver la vérité. Ils remuent le fond de leurs pensées, ils éliminent tous les mots qui n'ont pas de valeur. Et pour finir, ils en trouvent un, tout seul. Or un seul mot tout seul, c'est déjà le silence.
10 : La conclusion
Il ne me restait qu'une seule chose: apprendre à ne pas être amer. Mais j'étais content, car il me restait beaucoup de temps devant moi.