Deuxième film de Godard,tourné en 60 dans la foulée d"A bout de souffle",il a été censuré et n'est sorti que trois ans plus tard,les autorités n'appréciant pas qu'il traite de la Guerre d'Algérie alors même qu'elle était en cours.Ceci montre bien la rigidité des mentalités de l'époque,compte tenu du fait que "Le petit soldat",qui se déroule en Suisse,n'évoque qu'indirectement le conflit.On y suit le sinueux parcours de Bruno Forestier,déserteur de l'armée française qui s'est réfugié à Genève où il est reporter-photographe.A ses heures perdues,il fricote avec un groupe d'activistes pro-Algérie Française genre OAS.Lorsque ses amis lui ordonnent d'assassiner un journaliste suisse proche du FLN,il se dégonfle et se retrouve alors traqué à la fois par eux et par les indépendantistes algériens qui l'ont repéré.Ce film est un Godard atypique dans la mesure où il bénéficie d'un scénario,chose rare chez cet auteur,et d'un bon en plus.La façon dont l'étau se resserre progressivement autour de Forestier est parfaitement maîtrisée et digne d'un polar noir.Autre surprise,qui rend d'autant plus étonnante la censure subie par le film,JLG ne prend pas parti et renvoie les divers clans dos à dos.Connaissant l'animal,gauchiste et pro-palestinien,on aurait pu s'attendre à un brûlot anti-colonisateur qui finalement ne vient pas.Le film est plutôt anti-belliciste et dénonce la violence d'où qu'elle vienne,particulièrement l'usage de la torture pratiquée par les deux camps.Godard s'interroge aussi sur la difficulté qu'il y a,lorsqu'on est citoyen d'un pays en guerre,à refuser de s'engager d'un côté ou de l'autre.Ce n'est du reste pas un hasard si l'histoire se déroule en Suisse,le pays du réalisateur, mais surtout celui de la neutralité.Forestier est un homme sans conviction profonde qui ne veut se battre contre personne mais subit des pressions de toutes parts le forçant à agir,et son histoire d'amour avec une belle jeune femme russe va encore compliquer la donne.Là où le bât blesse,c'est comme toujours chez Godard,dans la forme.Les scènes d'action sont molles et clownesques,comme celles où Forestier suit sa cible en guettant le bon moment pour tirer et se balade le revolver à la main sans que personne ne semble s'en apercevoir.Par contre,les séquences de torture,très détaillées,sont franchement rudes et bien filmées.Et puis,naturellement,il y a le style narratif insupportable de Godard avec une voix off débitant continuellement un texte abscons et prétentieux farci de références littéraires et de citations politiques,des scènes dans lesquelles les acteurs,effectuant des déplacements ridiculement chorégraphiés,récitent des dialogues énigmatiques et précieux,le décorum signifiant à base de photos d'actualités et de voix radiophoniques couvrant parfois celles des comédiens.Du Godard pur jus,quoi.Michel Subor,beau gosse et excellent acteur,s'en sort mieux que bien dans ces conditions difficiles.Anna Karina,l'égérie du cinéaste,est une actrice limitée mais sa beauté et sa cinégénie sont surnaturelles.