Le peuple singe par RemyD
Avant l'époustouflante plongée dans le monde des insectes de Microcosmos, le peuple de l'herbe) et la sublime envolée du Peuple migrateur, le producteur Jacques Perrin avait entamé sa série sur le monde animal avec Le peuple singe de Gérard Vienne, qui ressort cet été sur les écrans de Suisse romande.
Tout le monde connaît Microcosmos, le peuple de l'herbe et Le peuple migrateur, mais on ignore trop souvent que ces deux poèmes cinématographiques font partie intégrante d'une trilogie dont le premier épisode est totalement dévoué au singe dans toute sa noblesse. Comme toutes les productions de Jacques Perrin, Le peuple singe est une aventure technique et émotionnelle sans précédent. Les nombreuses équipes du film ont dû passer des heures, planquées dans les arbres des forêts tropicales pour revenir avec des images uniques. Il a fallu construire dix-sept plates-formes dans l'enfer vert amazonien afin de surprendre le singe le plus rares et le plus craintif du monde : le "Ouakari Chauve". Gérard Vienne et son armée de techniciens ont ainsi traqué pendant cinq longues années ces êtres à la fois si proches de l'homme et si différents.
Gérard Vienne filme sans aucun artifice les bains mystiques des singes qui hantent les pentes du Fuji-Yama ou les parades amoureuses des chimpanzés. Ses images semblent sorties de son imagination par leur beauté irréelle, alors qu'elles sont ancrées dans la réalité, et qu'elles deviennent par là même terriennes. Le réalisateur parvient à s'arracher de l'aspect terre-à-terre de son œuvre grâce à un commentaire subtil, loin de toutes aspirations scientifiques et à la voix inimitable de Michel Piccoli qui entraîne le spectateur dans un univers réaliste et onirique. Mis à part la présentation des différents "acteurs", le texte magnifique s'attarde sur la mythologie du singe, ses points communs étonnants avec l'être humain et sa très forte personnalité. On découvre qu'un chimpanzé peut se révéler plus têtu que n'importe quel âne, pour satisfaire sa fierté face à une noix de coco récalcitrante. On apprend que l'aspect social est fondamental pour certaines populations comme ses surprenants singes japonais qui se baignent dans des lacs de vapeur alors que la neige leur couvre le bout du museau.
Le peuple singe est une invitation à se plonger dans le mode de vie de tous les représentants du monde simiesque avec beaucoup de finesse. Gérard Vienne ne joue jamais la carte du tape-à-l'œil, genre "Regardez un peu les magnifiques photos que j'ai ramenées de mon voyage autour du monde!", mais s'intéresse à l'essence même de l'animal le plus proche physiquement de l'homme. Et c'est la sagesse qui sépare ces deux êtres vivants, comme l'explique une magnifique légende de Bornéo : Les orangs-outans sont doués de parole, mais comme ils n'ont rien à dire, ils préfèrent se taire. Certains êtres humains extrémistes devraient prendre exemple sur leurs splendides frères roux de Bornéo, au lieu de proférer n'importe quoi à grands cris.