Alors comme ça, Dilili à Paris était trop scolaire et didactique ? Trop engagé politiquement ? Trop noir et orienté ? Dérogeait au style Michel Ocelot que l'on connaissait jusqu'ici ?
L'artiste semblera donc donner raison aux pisse-froids, en revenant à sa forme originelle : celle des histoires courtes compilées, avec comme fil rouge le conteur, le griot, et le pouvoir de ses mots et de sa voix.
Sauf que les premiers retours apparaissent un tantinet timorés, n'hésitant pas à parler de recyclage pour qualifier Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse, et s'étonnant de retrouver les sempiternels princes et princesses de l'auteur. Ou encore à se lasser, ou déplorer que Michel Ocelot fasse, finalement, du Michel Ocelot...
On croit rêver, tant ce double mouvement aussi imbécile qu'inquiétant, qui étrangle aujourd'hui la création cinématographique, est de plus en plus systématique.
Tout juste est-il concédé la beauté de l'ensemble, à juste titre d'ailleurs. Qui reprend aussi l'ensemble des techniques chères au réalisateur. La 2D, tout d'abord, qui sied à merveille à l'illustration du premier conte : un amour contrarié entre le Soudan et l'Egypte, qui émule les profil et l'horizontalité propre aux bas-reliefs et à l'écriture figurative des hiéroglyphes. Le tout dans une profusion de couleurs chaudes, animant un récit de conquête sans violence sur lequel plane les principales figures du panthéon égyptien.
Le deuxième conte laisse quant à lui libre court à ce qui animait, par exemple, Princes et Princesses, soit les ombres chinoises dans le quasi huis-clos funèbre d'un château auvergnat du Moyen-Age, reprenant le motif de la cruauté et de l'injustice du pouvoir, déjà développé dans la première histoire du film.
Le troisième, lui, renoue avec les effets 3D de Azur et Asmar pour donner vie à une histoire que l'on croirait tirée des Contes des Mille et Une Nuits, illustrant le faste luxueux et l'incroyable beauté des palais turcs.
Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse étonnera en ce qu'il troque les projectionnistes et cinémas habituels de Michel Ocelot pour un décor plus étonnant, voire un peu hors-sujet, d'un chantier, et son public enfantin pour des ouvriers venus d'horizons multiples. De quoi sans doute rappeler l'universalité de la tradition orale et des histoires que l'on se passe sous forme d'héritage immatériel.
Amours contrariées, récits initiatiques ou de conquêtes, tyrans cruels mais fragiles, désirs de liberté : tous ces ingrédients archi classiques se retrouvent dans Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse. Pour illustrer la force de l'imagination, le pouvoir du récit. Michel Ocelot y ajoute une jolie réflexion sur le destin auquel on peut échapper en forgeant sa propre histoire à force de volonté.
Soit ce qu'il y a peut être de plus merveilleux dans ce que porte un conte. Michel Ocelot, lui, s'impose à nouveau, en 2022, comme un passeur d'héritages et d'histoires belles, fascinantes et fortes.
Soit l'exact contraire des aigris qui se répandent à longueur de critiques.
Behind_the_Mask, qui n'est capable de conter que jusqu'à trois...