Ce film reste très méconnu malgré son riche casting dominé par 2 stars qui se livrent un duel acharné, car il fut un échec commercial à sa sortie. Pourtant, ce projet tenait à coeur de Kirk Douglas qui produisit le film via sa compagnie la Bryna, associée à des capitaux espagnols et curieusement du Liechtenstein. Après 20 000 lieues sous les mers, Kirk retrouvait l'univers du grand romancier Jules Verne, mais cette fois dans une adaptation très libre.
Il faut dire que la mention "d'après le roman de Jules Verne" a dû surprendre voire décevoir ceux qui pensaient voir un divertissement de type disneyen. En effet, le film n'a gardé du roman (également peu connu) de Jules Verne que le décor de fin du monde et certains personnages ; il y eut des ajouts et des changements comme le personnage féminin, certaines péripéties, et surtout cette dose de sadisme et de cruauté qui au premier abord surprend. L'intrigue se réduit à une lutte féroce entre un gardien de phare survivant et un chef cruel d'une bande de pirates sanguinaires qui investissent ce décor désolé du Cap Horn pour y attirer des bateaux et jouer les naufrageurs.
Le gardien de phare incarné par Kirk Douglas et le chef pirate incarné par Yul Brynner focalisent un peu plus l'attention, mais ils sont bien entourés par un casting international où l'on trouve l'Anglaise Samantha Eggar (que Yul retrouvera en 1972 dans la petite série Anna et le roi), l'Espagnol Aldo Sanbrell (habitué des westerns spaghetti chez Leone ou Corbucci), l'autre Espagnol Fernando Rey, le Français Jean-Claude Drouot (loin ici de Thierry la Fronde dans un rôle antipathique), l'Italien Renato Salvatori (habitué des productions cosmopolites)... Le réalisateur Kevin Billington est Britannique, réputé pour ses courts-métrages pour la télévision, et le directeur-photo Henri Decae est Français, il capte de belle façon l'âpreté superbe de ce décor sauvage censé figurer le Cap Horn, que la production a dégoté sur les côtes espagnoles.
La progression est bien menée, malgré une cohésion dramatique un peu affaiblie due à une amputation d'une vingtaine de minutes, mais le déroulement se ressent peu de ces coupures au final, le cadre est original, il y a peu de temps morts, quelques touches surréalistes (Yul caracolant à cheval entre les rochers), et malgré des scènes saugrenues, voire parfois un peu grotesques, c'est un film d'aventure très honorable, dont le titre renvoie à l'isolement de toute civilisation, d'où des actes barbares et sanglants de la part des pirates dans des séquences par moments très dures. Cette violence heureusement peu complaisante, était encore assez inhabituelle à cette époque de réalisation.
Je regrette seulement que les relations entre les protagonistes ne soient que partiellement exploitées, mais dans l'ensemble, c'est un film plutôt captivant, à l'ambiance étrange, dans un décor rugueux battu par les flots, parsemé de trouvailles, avec un final dans le phare assez tendu entre Kirk et Yul, qui se retrouvaient 5 ans après l'Ombre d'un géant. Avoir revu ce film m'a permis de le réévaluer et de monter ma note à 7/10.