The Pirate brasse l’imaginaire fantasmatique de la piraterie et ancre son récit dans un décor portuaire des Caraïbes, intégralement reconstitué en studio et bariolé pour l’occasion. Le grand intérêt du film réside ainsi dans sa conviction que le faux est plus à même de nourrir le vrai que la réalité elle-même ; car l’entièreté du métrage repose sur un jeu de faux-semblants entre ce qui relève du monde réel – le poids que fait peser la société sur la femme désirable et de bonne condition, le mariage imposé etc. – et ce qui appartient à la fiction, espace-temps où s’abolit le mensonge. Et Vincente Minnelli pousse si loin le concept de connaissance par la fiction que ses deux protagonistes principaux finissent par tromper leur auditoire et triompher de lui, avant de se livrer à des pitreries déguisés en clowns, petit numéro fort amusant. Il est d’ailleurs cocasse de convoquer Mesmer et ses expériences magnétiques comme levier à partir duquel s’active la vie jusqu’alors interdite de Manuela : la chanson « Voodoo » libère la jeune fille de ses chaînes sociétales et la plonge dans sa fougue intérieure. Pourtant, on ne peut que déplorer l’omniprésence du carton-pâte et le refus d’ouvrir le film sur un extérieur un tant soit peu naturel : si ce choix, avant tout économique, s’avère motivé par l’entrelacs du vrai et du faux, il aurait pu, au contraire, donner à la fiction davantage de souffle et de crédibilité. Trop sage, la réalisation ne participe pas à l’ivresse livresque de ses personnages mais se contente de capter le spectacle depuis un fauteuil sagement installé. The Pirate aborde donc une thématique originale mais ne fait preuve de suffisamment d’insubordination – de piraterie, en somme – pour en décupler la puissance cinématographique. Demeure une œuvre entraînante et divertissante.