Suite à son retour réussi en France avec La Ronde en 1950, Max Ophüls se lance dans "Le plaisir" où il adapte trois nouvelles de Maupassant, Le Masque, La Maison Tellier et Le Modèle.
Et quelle petite merveille ! Comme avec La ronde, il ne tombe pas dans le piège des films à sketchs, à savoir des segments inégaux, ici les trois nouvelles sont parfaitement adaptées et le choix est adéquat. Lorsque le second segment, La Maison Tellier marque par sa mélancolie et sa pureté, les deux autres sont nettement plus sombres et évoquent tous deux l'amour et le temps de manières différentes.
Ce second segment raconte l'histoire de pensionnaires d'une maison close de la ville qui vont dans un village voisin pour célébrer la communion de la fille du frère de l'une d'elles. Ophüls met d'abord en avant le choc des cultures entre les dames de la ville qui vont arriver chez le frère paysan (formidable Jean Gabin !) avant que la pureté, l'innocence et la nature crééent chez elles une source de mélancolie et de nostalgie face à leur vie de débauche. Un jour dans une année qui contraste avec leur mode de vie habituelle et l'émotion est au rendez-vous. Tout en légèreté, Ophüls lorgne d'abord vers la comédie fine usant de brillants dialogues avant de mettre ces dames face à leur vie.
Néanmoins, ce sont vraiment les deux autres séquences qui ont attiré mon attention. Deux séquences où l'on découvre l'amour face au temps, un amour d'abord fort puis qui finit par devenir lassant. Deux métrages sombres où Ophüls montre tout son talent pour donner de la puissance dramatique aux deux histoires et pour montrer que si le plaisir est facile, comme en attestent les maisons closes ou la rencontre du peintre et de son modèle, le vrai amour, le bonheur censé résister au temps, n'est pas joyeux et bien plus compliqué...
Derrière la caméra Ophüls démontre à nouveau tout son talent. C'est fluide, il déborde d'idées; tous les plans sont bien trouvés et mis en valeur, jouant parfois sur d'infimes détails et plusieurs séquences restent mémorables telles les montées d'escaliers ou l'homme et son masque. Sa mise en scène est d'une élégance rare, et ce pour les trois histoires malgré leurs portées différentes. Toujours bien écrit, notamment au niveau des dialogues, il bénéficie aussi de très bonnes interprétations.
Ophüls, à travers cette brillante adaptation de trois nouvelles de Maupassant, évoque le plaisir, le bonheur éphémère et la vie en couple sur le long terme, le tout avec autant de talent que d'élégance.