Trompant les attentes, Le plaisir de chanter n’est pas cette comédie d’espionnage que nous promet l’affiche. Muriel et Daniel sont bien deux agents des services secrets. Leur mission est d’infiltrer un cours de chant pour se rapprocher au plus près d’une veuve, Constance, qui détiendrait une clé USB pleine d’informations. Mais Muriel est une angoissée de la maternité, fatiguée de devenir vieille sans enfants. Daniel est inflexible, perpétuellement contrarié, notamment par la fougue de Muriel à son égard. Constance ne semble s’inquiéter de rien, prend la vie comme elle vient, avec une légèreté que tous lui envient. A moins que ce ne soit une couverture ?


De l’espionnage, de la comédie, c’est un bien grand mot. On retrouve quelques traces du film d’espion, mais à petites doses. L’important est avant tout la quête des personnages. Vers quoi ? Vers celle de la recherche de l’innocence, loin de la tension sexuelle ou des machinations politiques. Avec Constance en modèle central, rayonnante.


Cette recherche passe par le corps, par la voix. Dans l’exiguïté de la salle de répétition, les intériorités s’expriment par le chant lyrique. Une mise à jour de soi-même, que la professeur met à profit en leur demandant d’exprimer ensuite ce qui leur passe par la tête, ce qu’ils ont besoin de dire. Alors que la nudité est frontale, et le plus souvent embarrassante car contrariée (par des désirs de maternité ou par une expérience tarifiée) c’est donc le chant, imparfait mais profond, qui dévoile le meilleur des personnages.


Le film est sec et tendu, comme l’ont été les conditions de tournage, difficiles et resserrées. Les personnages ont du mal à communiquer entre eux, mentent aux autres ou à eux-mêmes. Malgré la photographie douce et chaude comme une fin de journée, le film est froid. Les personnages sont durs, la chair est glaciale et le chant est lyrique, d’une beauté sans émotions.


Dans les bonus des éditions physiques des films, le réalisateur est souvent une voix, celle du commentaire audio, ou le sujet d'un making-of. Pour le DVD de ce film, il est amusant de constater une nouvelle approche. Ici, le réalisateur s’adresse à nous, nous regarde, tandis que les images du films ou du making-of défilent derrière, les commentant. Sa proximité est rarement vue. Il a besoin de s’exprimer au spectateur, pour s’expliquer, pour démontrer que les critiques se sont trompées. Il assume son mélange des genres, ou plutôt son effacement des distinctions. D’ailleurs un de ses films ne s’appelle-t-il pas La confusion des genre ? Il a cherché à perdre le spectateur, avec une histoire à qui il échappe quelques fils.


Et le résultat apparaît comme curieux, car il se dérobe. Marina Foïs, Laurent Deutsch et Jeanne Balibar sont très bons, encore plus cette dernière, mais ce sont aussi des personnages dont les préoccupations nous échappent. Le résultat de leurs états d'âme nous indiffère. Les dialogues, très écrits, sonnent comme des sentences, mais apparaissent trop souvent comme de la mauvaise littérature, appliquée et donc forcée.


« - Tu préfères la sottise et l’aveuglement.
- Je préfère la paix et l’innocence. »


Que ce soit pour une quête existentielle, dans la recherche de l’innocence, les personnages sont murés dans des postures qui n’évoluent que trop tard. Qu’on n’y trouve pas le frisson de l’espionnage ou le sourire de la comédie, c’est une chose, mais il n’y a pas assez de matière pour s’identifier ou se questionner. Perdre le spectateur ou brouiller les genres, c’est une bonne chose, mais il ne suffit pas d’en avoir l’ambition, il faut aussi avoir une solide proposition.

SimplySmackkk
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le 10 févr. 2020

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